02Un sujet pour les peurs bourgeoises :
03Ce soir on est dans le petit salon, madame Lavaut reçoit une dépêche 
04 qui lui annonce la mort de son frère. Elle rentre en pleurant, la
               
05 conversation se fait de circonstance  presqu'à voix basse. La bonne dame répond 
06 puis le vieux courant que cette nouvelle a
               détourné se fait sentir de nouveau 
07 et la causerie continue
               comme si de rien n'était.
08C'est inouï et cependant c'est la meilleure femme que je connaisse, 
09 mais le bavardage  le désir d'en raconter "une plus forte" la grise 
10Il y a une chose qui me révolte toujours un peu : quelqu'un meurt  il 
11 est toujours là quelqu'un pour dire :  le pauvre homme  ou  la pauvre 
12 femme  c'est un bonheur pour lui de... il était ceci  cela)
               
13 Cette hypocrisie inconsciente qui ruse avec la terreur de la destruction 
14 m'irrite comme le
               mot "sommeil" dont on voile les pourritures de la 
15 tombe.
16Soir de complet découragement. Âme aussi morte qu'une âme 
17 morte de
                  Gogol. Rien ne va plus – est-ce fatigue ou santé ?
18Promenade en forêt. L'impression de peur involontaire domine toujours 
               
19 les arbres  le ciel, la terre me buvaient ma pensée et j'errais là comme 
20 une noire bête aux aguets de l'invisible 
21Me
                  Lav. La vraie bavarde, je sens en elle un
               intarrissable flux 
22 de paroles. Elle parle pour amuser, mais aussi pour elle et se distingue 
23
               dans ses récits des choses qu'elle s'adresse à elle-même, et qui 
Un sujet pour les peurs bourgeoises :
Ce soir on est dans le petit salon, madame Lavaut reçoit une dépêche qui lui annonce la mort de son frère. Elle rentre en pleurant, la conversation se fait de circonstance, presqu'à voix basse. La bonne dame répond puis le vieux courant que cette nouvelle a détourné se fait sentir de nouveau et la causerie continue comme si de rien n'était.
C'est inouï et cependant c'est la meilleure femme que je connaisse, mais le bavardage, le désir d'en raconter "une plus forte" la grise.
Il y a une chose qui me révolte toujours un peu : quelqu'un meurt, il est toujours là quelqu'un pour dire : "le pauvre homme" ou "la pauvre femme, c'est un bonheur pour lui de... il était ceci, cela..." Cette hypocrisie inconsciente qui ruse avec la terreur de la destruction m'irrite comme le mot "sommeil" dont on voile les pourritures de la tombe.
Soir de complet découragement. Âme aussi morte qu'une âme morte de Gogol. Rien ne va plus – est-ce fatigue ou santé ?
Promenade en forêt. L'impression de peur involontaire domine toujours ; les arbres, le ciel, la terre me buvaient ma pensée et j'errais là comme une noire bête aux aguets de l'invisible.
Mme Lav. La vraie bavarde, je sens en elle un intarrissable flux de paroles. Elle parle pour amuser, mais aussi pour elle et se distingue dans ses récits des choses qu'elle s'adresse à elle-même, et qui
02Un sujet pour les peurs bourgeoises :
03Ce soir on est dans le petit salon, madame Lavaut reçoit une dépêche 
04 qui lui annonce la mort de son frère. Elle rentre en pleurant, la
               
05 conversation se fait de circonstance  presqu'à voix basse. La bonne dame répond 
06 puis le vieux courant que cette nouvelle a
               détourné se fait sentir de nouveau 
07 et la causerie continue
               comme si de rien n'était.
08C'est inouï et cependant c'est la meilleure femme que je connaisse, 
09 mais le bavardage  le désir d'en raconter "une plus forte" la grise 
10Il y a une chose qui me révolte toujours un peu : quelqu'un meurt  il 
11 est toujours là quelqu'un pour dire :  le pauvre homme  ou  la pauvre 
12 femme  c'est un bonheur pour lui de... il était ceci  cela)
               
13 Cette hypocrisie inconsciente qui ruse avec la terreur de la destruction 
14 m'irrite comme le
               mot "sommeil" dont on voile les pourritures de la 
15 tombe.
16Soir de complet découragement. Âme aussi morte qu'une âme 
17 morte de
                  Gogol. Rien ne va plus – est-ce fatigue ou santé ?
18Promenade en forêt. L'impression de peur involontaire domine toujours 
               
19 les arbres  le ciel, la terre me buvaient ma pensée et j'errais là comme 
20 une noire bête aux aguets de l'invisible 
21Me
                  Lav. La vraie bavarde, je sens en elle un
               intarrissable flux 
22 de paroles. Elle parle pour amuser, mais aussi pour elle et se distingue 
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               dans ses récits des choses qu'elle s'adresse à elle-même, et qui 
Un sujet pour les peurs bourgeoises :
Ce soir on est dans le petit salon, madame Lavaut reçoit une dépêche qui lui annonce la mort de son frère. Elle rentre en pleurant, la conversation se fait de circonstance, presqu'à voix basse. La bonne dame répond puis le vieux courant que cette nouvelle a détourné se fait sentir de nouveau et la causerie continue comme si de rien n'était.
C'est inouï et cependant c'est la meilleure femme que je connaisse, mais le bavardage, le désir d'en raconter "une plus forte" la grise.
Il y a une chose qui me révolte toujours un peu : quelqu'un meurt, il est toujours là quelqu'un pour dire : "le pauvre homme" ou "la pauvre femme, c'est un bonheur pour lui de... il était ceci, cela..." Cette hypocrisie inconsciente qui ruse avec la terreur de la destruction m'irrite comme le mot "sommeil" dont on voile les pourritures de la tombe.
Soir de complet découragement. Âme aussi morte qu'une âme morte de Gogol. Rien ne va plus – est-ce fatigue ou santé ?
Promenade en forêt. L'impression de peur involontaire domine toujours ; les arbres, le ciel, la terre me buvaient ma pensée et j'errais là comme une noire bête aux aguets de l'invisible.
Mme Lav. La vraie bavarde, je sens en elle un intarrissable flux de paroles. Elle parle pour amuser, mais aussi pour elle et se distingue dans ses récits des choses qu'elle s'adresse à elle-même, et qui
 Édition numérique des Cahiers d’Henri de Régnier