Chronologie Henri de Régnier par Pierre Lachasse

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XVIe siècle

Les recherches généalogiques effectuées par Régnier lui-même remontent aisément au seizième siècle. Du côté paternel, son plus lointain ancêtre connu est Crespin de Régnier (1560-1621), écuyer et seigneur de Vigneux-en-Thiérache, dont la seigneurie s’étend ensuite jusqu’au château de Rocan, au sud-est de Charleville. Du côté maternel, le plus ancien nom cité est celui d’Yves du Bard. Il s’agit d’une noblesse de robe, de souche bourguignonne, établie à Autun et à Beaune, dont Régnier rapporte quelques éléments d’histoire notamment dans Les Trois Fils de Madame de Chasans (1923), essai recueilli ensuite dans Proses datées (1925), et dans Paray-le-Monial (1926).

1731

Jean Henri d’Anthès (1670-1733), maître de forges dans la région de Soultz et de Guebwiller, en Alsace, est anobli par Louis XV pour services rendus. Le baron d’Anthès est à l’origine des deux principales lignées de la famille maternelle de Régnier. Dans la branche aînée, se trouvent Georges Charles baron d’Anthès et d’Heeckeren (1812-1895), beau-frère du poète Alexandre Pouchkine, qu’il tue dans un duel célèbre (1837), et Louis Metman (1862-1943), directeur du Musée des Arts décoratifs et ami fraternel de Régnier. La branche cadette aboutit en droite ligne à Henri. Adélaïde Philippine d’Anthès (1777-1843), arrière-petite-fille du baron d’Anthès et épouse d’Alexandre Anne du Bard de Curley (1763-1849), est l’arrière- grand-mère de Régnier.

1792

L’arrière-grand-père paternel du poète, François de Régnier de la Motte (1745-1825), capitaine au régiment de Royal-Dragons, part pour l’émigration. De retour en France (1802), dépossédé de la plupart de ses biens, il s’installe à La Lobbe (Ardennes) dans une grande maison de brique et de pierre, le « château d’en haut », et entre dans l’administration des Douanes. Du côté maternel, le solde est moins lourd. Son arrière-grand-père, Alexandre Anne du Bard de Curley, rentre d’émigration en 1815 et son grand-père, Alexandre Philibert Joseph (1805-1874), un temps receveur des impôts à Beaune, s’établit en 1830 à Paray-le-Monial.

1820

24 septembre : Naissance à Bordeaux d’Henri Charles de Régnier, père du poète, fils d’Henri François Charles de Régnier (1789-1877) et de Marie Charlotte Françoise de Léonardy (1785- 1849). Il a deux frères : François Charles Henri (1818-1879) et Louis Maxime (1822-1863), missionnaire au Sénégal, et une sœur, Charlotte Joséphine Louise (morte en 1874). Celle-ci épouse le baron Louis Henri François des Lyons, dont elle a deux fils, Just (né en 1847), établi à Rocheservière (Vendée), et Césaire (né en 1849), établi à La Lobbe, à la « maison d’en bas », où Régnier séjournera plusieurs étés de sa jeunesse. Régnier évoque son grand-père dans un court essai, « Mon grand-père » (1908), recueilli dans Portraits et Souvenirs (1913).

1836

8 janvier : Naissance à Paray-le-Monial de Thérèse Adélaïde Adrienne du Bard de Curley, mère du poète, fille d’Alexandre Philibert Joseph du Bard de Curley (1805-1874) et d’Antoinette Octavie de Guillermin (1810-1896). Elle a quatre sœurs : Mathilde Marie Madeleine (1835-1897), épouse du capitaine Louis Richard de Pons (1809-1887), l’un et l’autre très proches de Régnier et inhumés dans le même caveau que lui au Père-Lachaise, Eudoxie Marie Joséphine, épouse d’Achille Barrié, percepteur à Carignan (Ardennes), Marie Ernestine, épouse de René Guillemot, Président du Tribunal de Riom, et Jeanne Louise Marie, épouse d’Henry de Tribouday de Maimbray.

1857

27 octobre : Mariage à Paray-le-Monial d’Henri Charles de Régnier et de Thérèse du Bard de Curley. Henri Charles est fonctionnaire des Douanes, tour à tour en poste à Lorient (1840), Vannes, Fécamp, Bastia, Saint-Laurent du Var, Bordeaux, Honfleur (1863) et enfin Paris (1871). Le couple aura six enfants dont trois morts en bas âge : Marie (1858), Isabelle (1859- 1871), Henri (1864-1936), Louis Marie (1868), Arthur (1870-1871) et enfin une dernière fille, elle aussi prénommée Isabelle (1873-1966).

1864

28 décembre : Naissance à Honfleur, 33 cours des Fossés, d’Henri François Joseph de Régnier. L’enfant est baptisé à Paris le 12 juin 1865 en l’église Saint Jean-Baptiste de Belleville. Ses parrain et marraine sont son grand-père Henri François Charles de Régnier et sa grand-mère Antoinette Octavie du Bard de Curley, représentés par ses oncle et tante Richard et Mathilde de Pons.

1864-1871

La petite enfance de Régnier se déroule à Honfleur. Sa sœur Isabelle et lui entretiennent des liens d’amitié avec les enfants de la famille Courtet, Kate et Fritz, qui vivent à Équemauville, sur la côte de Grâce. Il en rappelle le souvenir dans « La Côte verte ou Anselme et Coryse » (1898), recueilli dans Le Trèfle blanc (1899), puis dans Couleur du temps (1909). Après la capitulation et la chute de l’Empire, leur maison est réquisitionnée par les troupes françaises, puis occupée par l’armée prussienne.

1871

Henri Charles de Régnier est nommé receveur des Douanes au port Saint-Nicolas à Paris. La famille s’installe boulevard Davout (20e arrondissement), puis 11bis rue des Halles (1er arrondissement). Henri se souviendra des impacts de balles creusés sur le mur des immeubles par les combats de la Commune. Le 12 décembre, mort de la « première » Isabelle pour des raisons inconnues, cinq jours avant son douzième anniversaire.

1872

1er juillet : La famille s’établit 6 quai du Louvre, au 5e étage, face à la colonnade du Louvre. Elle y demeurera jusqu’au 23 juin 1888, à la retraite d’Henri Charles. Les fenêtres de la chambre d’Henri s’ouvrent sur l’église Saint-Germain-l’Auxerrois.

1873

15 juin : Naissance à Paris de la « seconde » Isabelle. Restée célibataire, elle vivra dans l’ombre de sa mère et de son frère, qu’elle suivra dans leurs déménagements successifs. Ce personnage effacé laisse quelques témoignages : un manuscrit autobiographique, « Mes souvenirs » (1894-1895), consultable sur Gallica, et quelques lettres à sa famille conservées à la Bibliothèque de l’Institut.

1874-1883

Régnier entre en octobre 1874 en classe de dixième au collège Stanislas, rue Notre-Dame-des- Champs, où il poursuit sa scolarité jusqu’à son baccalauréat (juillet 1883). Son travail n’est pas toujours régulier et son comportement parfois dissipé, mais il obtient le septième accessit d’Histoire au Concours général (1882). Au cours de ses années de collège, il découvre les poètes (Ronsard, Musset, Hugo, Baudelaire, Sully Prudhomme), compose ses premiers vers (1879-1881) et construit son premier réseau d’amitiés au centre duquel se trouve Francis Vielé-Griffin (1864-1937), son alter ego fraternel. La rencontre a lieu à la rentrée 1879 en classe de quatrième et marque le début d’une grande empathie littéraire et affective (« Arcades Ambo », ensemble en Arcadie) brisée brutalement en 1900 pour des raisons encore mystérieuses. Parmi ses autres camarades dont le nom apparaît çà-et-là dans ses Cahiers, figurent le poète Adrien Mithouard (1864-1919), directeur de la revue L’Occident (1901- 1914) et président du conseil de Paris (1914-1919), l’écrivain René de Saint-Chéron (1863- 1907), le colonel Achille Hepp (1865-1929), le ténor Georges Imbart de la Tour (1865-1911), le diplomate Pierre Lefèvre-Pontalis (1864-1938), d’autres au destin plus modeste souvent désignés par des alias dans ses lettres : le « tueur de vilaines bêtes » Tony Froc, le « Don Juan de la rive gauche » Louis Baudry, le « bibliophile » Edmond Blanchard et le préféré, le « comique » Philibert Delorme (1863-1912). Le dimanche, Henri Charles emmène souvent son fils sur les lieux du passé aristocratique de la France. Ils se promènent dans les parcs de Saint-Cloud, de Versailles et de Saint-Germain-en-Laye. Ils fréquentent aussi les hippodromes parisiens. Henri découvre le musée du Louvre et le jardin du Palais-Royal. L’été, il séjourne à La Lobbe, au « château d’en bas », chez le cousin Césaire des Lyons, et à Paray-le-Monial chez sa grand-mère Octavie. Rompant avec ce rythme immuable, il séjourne quelques jours au début des années quatre-vingts dans sa famille de Soultz et de Masevaux, où il ne reviendra qu’une seule fois, en juillet 1890.

1883

6 avril : La Nouvelle Rive gauche, fondée le 9 novembre 1882 par Léo Trézenik, Charles Morice et Georges Rall (qui signent collectivement Jacques Trémora, acronyme constitué des premières syllabes de leurs noms), devient Lutèce. La revue, de périodicité hebdomadaire et de format journal, bohême et anarchisante, réunit au Quartier latin l’avant-garde de la jeunesse littéraire. À la fois sérieuse et parodique, elle publiera Verlaine et Rimbaud, mais aussi les vers et les proses des futurs symbolistes.

Juillet : Début de la correspondance conservée avec Vielé-Griffin. Août : Séjour d’Henri à La Lobbe.

Octobre : Régnier s’inscrit à l’école de Droit pour apaiser ses parents qui s’inquiètent de son avenir. Avec Vielé-Griffin et son cousin Louis Metman, il commence à fréquenter le Chat noir et les groupes des Hirsutes, puis des Hydropathes.

1884

Régnier continue de fréquenter les cercles d’avant-garde, au café de l’Avenir notamment, où il se mêle aux futurs meneurs de la révolution symboliste, comme Jean Moréas (1856-1910) et René Ghil (1862-1925). Sans y voir le moindre paradoxe, il rend aussi à Sully Prudhomme (1839-1907), poète parnassien académique, la visite rituelle du jeune débutant qu’il rapportera plus tard dans Nos rencontres. Il continue d’écrire des poèmes en vers réguliers dont certains seront l’année suivante publiés dans Lutèce.

Été : Séjours à La Lobbe et à Paray-le-Monial.

1er novembre : Régnier passe son conseil de révision. Jugé « bon pour le service auxiliaire », il passera dans la réserve cinq ans plus tard et sera libéré de toute obligation militaire en 1910.

1885

C’est l’année de ses débuts littéraires en revue, puis en librairie. C’est aussi l’année où se développe sa relation amoureuse avec une jeune femme juste mariée, Antoinette de Bony, la belle-sœur de sa tante Louise de Triboudet de Maimbray.

1er juin : Régnier et Vielé-Griffin assistent aux funérailles nationales de Victor Hugo.

15 juin : Première publication dans Lutèce, sous le pseudonyme d’Hugues Vignix. Il y en aura sept entre le 15 juin et le 8 novembre. Sur les quatorze textes publiés en 1885, quatre poèmes et deux proses resteront inédits en librairie, les autres seront recueillis dans Les Lendemains.

Été : Régnier séjourne un mois à La Lobbe à partir du 25 juillet, puis à Carignan chez son oncle maternel Achille Barrié à partir du 26 août. Le 7 septembre, il est à Nancy et, sans doute le 9, à Paray-le-Monial.

6 août : Article de Paul Bourde (1851-1914) dans Le Temps contre « Les Poètes décadents » à l’occasion de la publication de la seconde édition des Déliquescences d’Adoré Floupette, la parodie de Gabriel Vicaire et Henri Beauclair. Il raille leur « muse byzantine et névrosiaque », leurs « tristesses artificielles » et leurs « perversités affectées ». Moréas lui répond dans Le XIX e siècle du 11.

16 août : Dans une lettre de La Lobbe, Régnier annonce à Vielé-Griffin avoir « commencé à écrire » ses « Confessions » qu’il nomme par ironie les « Annales psychiques et oculaires ». Il s’agit de son journal dont les trois premiers cahiers qui devaient conduire au début février 1887 n’ont pas été retrouvés.

18 août : Article stimulant de Robert Caze (1853-1886) dans Le Voltaire sur « Les Jeunes Poètes » où les noms d’Hugues Vignix et d’Alaric Thome, alias de Vielé-Giffin, sont cités pour la première fois. L’article résonne comme une réplique aux incompréhensions de Bourde.

Octobre : De retour à Paris le 7, Régnier commence à fréquenter le salon de Robert Caze, 13 rue Condorcet, qui réunit chaque lundi peintres impressionnistes et romanciers naturalistes, puis les jeunes collaborateurs de Lutèce. Régnier et Vielé-Griffin y rencontrent, outre le directeur-imprimeur Léo Trézenik (1855-1902), Jean Ajalbert (1863-1947), Paul Adam (1862- 1920), Jean Moréas et Félix Fénéon (1861-1944), qui participeront avec eux au développement du mouvement symboliste.

3 novembre : Régnier participe au premier dîner des « Têtes de Pipes » qui réunit chaque mois jusqu’à l’été 1886 les collaborateurs de Lutèce. L’événement a lieu au Café américain, puis à l’Auberge des Adrets, 14 boulevard Saint-Martin.

10 novembre : Publication à compte d’auteur chez Vanier des Lendemains, plaquette de quinze poèmes dont la moitié est inédite. Elle lui vaut les encouragements de Mallarmé, qui l’invite à ses mardis, de Verlaine, Huysmans et Sully Prudhomme. Le même jour, chez le même éditeur, Vielé-Griffin publie son premier recueil, une plaquette de treize poèmes, Cueille d’avril.

1886

Henri poursuit son intégration dans l’avant-garde littéraire. Au printemps, il participe à son premier mardi de Mallarmé, 89 rue de Rome, et élargit le champ de ses relations. Il rencontre ainsi Édouard Dujardin (1861-1949), poète et dramaturge wagnérien, romancier du monologue intérieur, co-directeur de La Revue wagnérienne et bientôt patron de La Revue indépendante, qui réunit écrivains et artistes au Café d’Orient, rue de Clichy. Au banquet de la revue La Jeune France, où l’introduit le jeune poète Éphraïm Mikhaël (1866-1890), il côtoie Villiers de l’Isle-Adam sans oser l’aborder.

7 janvier : Le général Boulanger devient ministre de la guerre dans le troisième gouvernement Freycinet et conserve son portefeuille dans celui de René Goblet, investi le 11 décembre.

28 mars : Mort de Robert Caze, six semaines après son duel malheureux avec le poète Charles Vignier (15 février). Il laisse une épouse qui ne lui survivra qu’un an et deux jeunes enfants.

18 mai : Avec Vielé-Griffin, il rend une première visite à Verlaine, qui vit alors dans un hôtel meublé, cour Saint-François, près de la Bastille.

Mi-mai – début juillet : Maladie d’Isabelle dont nous ne savons rien et qui inquiète sa famille pendant plusieurs semaines.

15 juin : Albert Mockel (1866-1945) fonde à Liège La Wallonie, l’une des principales revues du Symbolisme belge, dont la publication en principe mensuelle est prévue pour une période de sept ans.

22 juin : Pour complaire aux républicains, Boulanger fait voter une loi interdisant aux héritiers des familles ayant régné sur la France de séjourner sur le territoire national.

22 ou 23 juillet – début septembre : Premier séjour de Régnier à Montlouis-sur-Loire, auprès de Vielé-Griffin, qui a loué la Villa Beauregard.

Début août : Publication du Traité du Verbe, de René Ghil, avec un « avant-dire » de Mallarmé.

Début septembre – début octobre : Régnier séjourne chez son cousin Just des Lyons en Vendée, à Rocheservière, et passe quelques jours au bord de l’Océan aux Sables d’Olonne, à Pornic et à La Bernerie. Il commence à composer certains des sonnets qui seront publiés dans Sites.

18 septembre : Publication du manifeste symboliste de Moréas dans le supplément littéraire du Figaro, qui provoque une scission dans la jeune littérature.

Octobre : Henri séjourne une quinzaine de jours au château de Bujaleuf (Haute-Vienne) dans la famille de Bony. C’est l’acmé de sa liaison avec Antoinette, consommée sous le toit conjugal et illustrée aussi par une excursion amoureuse dans les monts d’Auvergne.

3 octobre : 257e et dernier numéro de Lutèce où il publie quinze textes brefs en 1886 (7 en vers, 8 en prose) et qui laisse Henri et Francis orphelins d’une revue.

1er novembre : Publication du premier numéro de la troisième Revue indépendante, d’Édouard Dujardin, la plus importante revue des premiers temps du Symbolisme. Elle comptera vingt- six livraisons jusqu’en décembre 1888.

4 novembre : Publication chez Vanier du second recueil de Régnier, Apaisement. Il reçoit des lettres de Mallarmé, Huysmans, Sully Prudhomme, Coppée, Dierx, Goncourt, Verlaine et Heredia, celui-ci gêné par « quelques césures et quelques rimes contestables ».

15 novembre : Régnier est reçu chez Sully Prudhomme, 82 rue du Faubourg-Saint-Honoré. Il y rencontre le poète néo-parnassien Auguste Dorchain (1857-1930) qui lui adresse le lendemain une importante lettre où il compare leurs prosodies respectives.

18 novembre : Après un premier échec en juillet, Régnier est enfin reçu licencié en droit. Début décembre : Nouvelle visite à Verlaine, alors hospitalisé à l’hôpital Broussais.

Fin décembre : Après trois poèmes publiés les 12 et 19 décembre dans Le Scapin, la revue dirigée par Alfred Vallette (1858-1935), qui cesse à son tour sa publication, Régnier s’engage dans celle que Ghil s’apprête à fonder « sous la présidence nominale de Mallarmé », Les Écrits pour l’Art.

1887

Entre janvier et juillet 1887, Régnier collabore aux six livraisons des Écrits pour l’Art avant de rompre avec Ghil que seul un malentendu avait rapproché de lui. Sa production poétique d’alors se spécialise dans le sonnet et reste fidèle au vers régulier. Cette année, Gustave Kahn (1859-1936) publie le premier recueil entièrement en vers libres, Les Palais nomades, chez Tresse et Stock.

7 février : Début du Cahier IV de son journal, le premier qui ait été conservé.

Mi-février : Henri rencontre Jules Laforgue 15 quai de Bourbon, chez Vielé-Griffin qui admire le poète et contribuera après sa mort à la diffusion de ses inédits.

17 mars : Triple meurtre de la rue Montaigne (aujourd’hui rue Jean-Mermoz) par l’aventurier Henri Franzini. Régnier se passionne pour ce fait divers, l’un des plus fameux de la Troisième République.

16 avril : Mariage à Montrouge de Francis Vielé-Griffin et de Marie-Louise Brocklé (1864- 1940), quatre mois après la naissance de leur premier enfant, Marie-Edmée. Le couple aura trois autres filles.

20 avril : L’affaire Schnaebelé réveille la peur d’une nouvelle guerre franco-allemande.

29 avril : Régnier et son cousin Louis Metman assistent à la représentation de Renée, adaptée par Zola de son roman La Curée, au Théâtre du Vaudeville. Henri utilise plusieurs fois dans ses Cahiers le prénom Renée comme cryptonyme d’Antoinette.

Mai : Publication de Sites, chez Vanier, plaquette de 27 sonnets. Régnier reçoit une vingtaine de lettres, le plus souvent favorables. Verlaine en juge la « forme irréprochable ». Parmi ses nouveaux correspondants, Maurice Barrès, Jean Lorrain et le romancier du Quercy Léon Cladel (1834-1892) qui l’invite à le rencontrer.

17 mai : À la suite de l’affaire Schnaebelé, le général Boulanger doit quitter le pouvoir. 25 mai : L’incendie de l’Opéra-Comique fait 84 victimes.

26 mai : Nouvelle visite à Verlaine, hospitalisé à l’asile national de Vincennes depuis le 16 mai.

13 juin – 2 ou 3 août : Séjour à La Lobbe. Henri travaille à des poèmes qui entreront dans son recueil Épisodes, bien qu’il se plaigne de stérilité dans ses lettres à Francis et dans ses Cahiers.

20 juin : Grâce à Jean Lorrain, le quotidien L’Événement publie deux poèmes de Sites.

8 et 14 juillet : Manifestations de soutien à Boulanger après sa nomination à Clermont- Ferrand, ressentie comme une proscription. C’est le début de l’agitation boulangiste qui fédère quelque temps l’opposition au régime républicain et obtient l’appui de nombreux jeunes intellectuels, comme Barrès et Paul Adam. Henri et Francis suivent l’affaire avec intérêt et curiosité.

7 août : Visite à Cladel chez lui, à Sèvres.

9-14 août : Séjour au château d’Aulnaie (Eure-et-Loir) chez son camarade de Stanislas, Pierre Lefèvre-Pontalis.

14 août – 1er octobre : 2nd séjour d’Henri à Montlouis-sur-Loire auprès de Vielé-Griffin. 20 août : Mort à Paris de Jules Laforgue (1860-1887), vaincu par la phtisie.

Octobre : Régnier publie ses premiers poèmes dans La Wallonie. Il contribuera seize fois à la revue liégeoise jusqu’à la dernière livraison, datée septembre–décembre 1892.

17 octobre : Mort de l’oncle maternel de Régnier, le comte Richard de Pons (1809-1887), qui sera inhumé au Père-Lachaise. Mallarmé lui adresse un affectueux mot de sympathie.

28 novembre : Régnier commence à écrire Galathée, comédie en 3 actes et en alexandrins, achevée le 12 mars 1888 et restée inédite. Le manuscrit est conservé dans le fonds Régnier de la Bibliothèque de l’Institut.

1888

Les années 1888 et 1889 se passent en méditations esthétiques. Son ami Francis, plus avancé dans la recherche prosodique, expérimente le vers libéré et le poème dramatique qui l’orientent vers le choix décisif du vers libre. Leurs conversations mènent Henri vers la conception d’une « langue allégorique » qui prend deux ans à mûrir. Le fonds Régnier de la Bibliothèque de l’Institut conserve de nombreux vers de cette période, inédits pour un certain nombre d’entre eux, sous des titres divers : « Les Utilités problématiques de l’an 1888 » et surtout « Glorioles », recueil abandonné où il expérimente le vers ultra-alexandrin et où l’on peut voir une première ébauche des Poèmes anciens et romanesques. Il écrit aussi une féerie en un acte et en alexandrins, La Princesse Flore, restée inédite.

13 février : Mallarmé introduit Régnier chez son ami Whistler (1834-1903), 110 rue du Bac. Henri évoque le peintre et sa maison dans « Souvenirs whistlériens » (1904), recueilli dans Sujets et Paysages (1906), dans « Sur Mallarmé » (1923), recueilli dans Proses datées (1925) et surtout à travers le personnage de Cyrille Buttelet dans son roman La Peur de l’amour (1907).

Printemps : Éphraïm Mikhaël et Bernard Lazare (1865-1903), qu’il a rencontrés aux mardis, introduisent Régnier dans le salon de Heredia, 11bis rue Balzac. Séduit par l’accueil chaleureux et la bienveillance du poète, il devient vite un familier de ses samedis.

Avril : Publication chez Vanier du quatrième livre de Régnier, Épisodes, dont le titre suggère la représentation de situations fictionnelles. Le recueil de quatorze poèmes tous précédés d’un sonnet en épigraphe s’éloigne autant du lyrisme sentimental des Lendemains et d’Apaisement que de la concision et de la rigidité des Sites. Mallarmé se montre très élogieux dans une lettre du 29 avril : « c’est non pas seulement une heure de votre vie littéraire qu’indique ce recueil, mais aussi en général de l’effort poétique actuel ».

Juin : Régnier pose pour la première fois à Auteuil dans l’atelier de Jacques-Émile Blanche où l’a introduit Louis Metman qui partage avec le peintre et Dujardin la passion de Wagner.

23 juin : La famille Régnier emménage 6 rue du Boccador (8e arrondissement), dans le quartier de l’Alma.

7 août – début septembre : 3e séjour d’Henri à Montlouis-sur-Loire.

23 août : Régnier collabore pour la première fois à La Cravache, transformée le 19 mai sous la direction de Georges Lecomte (1867-1958) en hebdomadaire littéraire et artistique. Il y contribue six fois jusqu’au 6 juillet 1889, date du dernier numéro publié sous cette formule.

Septembre : Dans le n° 23 de La Revue indépendante, il publie la première série de ses « Soirs intimes et mondains », proses symbolistes qui entreront dans la première édition des Contes à soi-même (1893).

11 septembre – 10 octobre : Séjour à La Lobbe.

29 octobre : Henri et Isabelle assistent au mariage de Marcelle Boulanger, la fille du général, et du capitaine Émile Driant (1855-1916), auteur de romans d’aventures sous le nom de Danrit.

1er novembre : Article sévère de Ferdinand Brunetière (1849-1906) dans la Revue des Deux Mondes, « Symbolistes et Décadents », qui a le mérite d’apporter une certaine reconnaissance au mouvement, mais fait preuve d’une grande incompréhension devant la prosodie novatrice :

« les vers « impairs » de M. Paul Verlaine, eux, ne sont souvent qu’une espèce de prose ; et ceux de M. Gustave Kahn ou de M. Vielé-Griffin qu’un « je ne sais quoi » qui réalise le miracle, inouï jusqu’à nous, de n’être ni vers ni prose. » Régnier n’est pas cité.

11 novembre : La cour d’assises de Constantine condamne le jeune étudiant Henri Chambige à sept ans de travaux forcés pour le meurtre de sa maîtresse, une femme mariée plus âgée que lui. Ce fait divers passionne de nombreux écrivains comme Barrès et Bourget qui s’en inspire dans son roman Le Disciple (1889). Régnier, lui-même en situation d’adultère avec Antoinette, est fasciné par cette histoire qui trouve un écho de nature quasi métaphysique dans ses Cahiers.

Novembre : En l’absence de Vielé-Griffin, qui demeure à Montlouis jusqu’en avril 1889, et devant l’inquiétude que suscite la situation financière de Dujardin, Régnier se rapproche de Kahn et de Paul Adam, qu’il voit souvent au cours des mois qui suivent. Chez Heredia, il rencontre Robert de Bonnières (1850-1905), romancier et chroniqueur au Figaro, qui tient un salon avenue de Villars et deviendra un ami proche.

1er décembre : La faillite de Dujardin entraîne la clôture de la troisième Revue indépendante.

8 décembre : Heredia introduit Régnier chez Leconte de Lisle qui reçoit le samedi chez lui, 64 boulevard Saint-Michel. Henri y retrouve plusieurs jeunes poètes, tels Éphraïm Mikhaël, Pierre Quillard (1864-1912) et André Ferdinand Hérold (1865-1940), avec qui il a sympathisé chez Mallarmé et Heredia.

1889

Régnier ne publie aucun livre cette année, mais travaille le vers libre, le vers ultra-alexandrin et le sonnet qui trouveront place dans ses recueils ultérieurs.

Janvier – février : Premier numéro de la quatrième Revue indépendante, relancée par Ajalbert, puis dirigée par J.-H. Rosny et François de Nion (1854-1923), dont l’orientation se montrera à partir de 1891 très hostile au Symbolisme. Elle comptera cinquante-et-une livraisons jusqu’en mars 1893. Régnier n’y contribue que trois fois, toutes en 1889.

Première quinzaine de février : 4e et dernier séjour de Régnier à Montlouis, le seul en hiver.

16 mars : Régnier assiste à l’Odéon à la représentation des Érinyes, de Leconte de Lisle. À cette occasion, Heredia le présente à Jules Lemaitre (1853-1914), qui sera l’un de ses deux parrains à l’Académie.

26 mars : Nouvelle visite de Régnier à Verlaine, qui vit alors à l’hôtel de Lisbonne, 4 rue de Vaugirard. Son impression est désastreuse.

1er avril : Régnier publie dans La Revue indépendante la seconde série de ses « Soirs intimes et mondains ». À la suite du mandat d’arrêt lancé contre lui, Boulanger, pourtant élu brillamment député de Paris le 27 janvier, s’exile à Bruxelles.

6 mai – 31 octobre : Exposition universelle que Régnier visite plusieurs fois avec plaisir.

1er juin : Mort du général Metman (1814-1889), dont les trois fils, Louis, Charles et Henri, sont très liés à Régnier.

Juillet : Kahn fonde avec le poète Adolphe Retté (1863-1940) la seconde Vogue, qui n’a que trois numéros auxquels Régnier contribue, notamment pour rendre compte des spectacles donnés dans le cadre de l’Exposition. À la fin du mois, Vielé-Griffin publie Joies chez Tresse et Stock, précédé d’une importante préface qui proclame : « Le vers est libre ». Après Les Palais nomades, de Kahn, et Sur les talus, de Jean Ajalbert, tous deux en 1887, c’est le troisième recueil entièrement en vers libres.

12 juillet – 19 août : Séjour à La Lobbe.

14 août : Boulanger, jugé par contumace, est condamné par la Haute Cour de Justice à la déportation en enceinte fortifiée pour complot, attentat et détournement de fonds publics.

21 août : Régnier assiste à l’inhumation de Villiers de l’Isle-Adam, mort le 18, au cimetière des Batignolles.

25 août – 26 septembre : Régnier séjourne à la villa des Pierriers, louée par la famille Metman à Clarens (canton de Vaud).

22 septembre – 6 octobre : Les élections législatives se soldent par une victoire des républicains (345 élus). Les conservateurs obtiennent 156 sièges et les boulangistes seulement

49. Barrès, candidat boulangiste, est élu à Nancy, mais Paul Adam est battu dans la circonscription voisine.

Fin septembre – 8 octobre : Séjour à Paray-le-Monial.

1890

Régnier publie son premier recueil en partie en vers libres, Poèmes anciens et romanesques, et s’engage plus concrètement dans le combat littéraire en codirigeant les Entretiens politiques et littéraires (mars) et La Wallonie (juillet).

1er janvier : Fondation du Mercure de France par Alfred Vallette.

1er mars : Fondation des Entretiens politiques et littéraires, pamphlet, puis revue mensuelle dès le mois d’avril. La revue, consacrée à la défense du vers libre et éditée par Edmond Bailly (1850-1916) à la Librairie de l’Art indépendant, est financée par Vielé-Griffin sur l’héritage de sa grand-mère maternelle Mary Sands (1804-1888). À la différence des revues sœurs, elle ne contient à ses débuts aucun cahier de création. Régnier et Paul Adam collaborent avec Francis à sa direction et Bernard Lazare en devient le secrétaire en juillet.

Mars : Publication, toujours à compte d’auteur, des Poèmes anciens et romanesques à la Librairie de l’Art indépendant, où Régnier réunit une large part de sa production des deux dernières années et mêle pour la première fois le vers régulier et le vers libre.

2 avril : Dans L’Événement, sous le titre « Un poète », Jean Lorrain consacre au recueil un article élogieux qui contribue à placer Régnier au premier rang des poètes de sa génération.

24 juin : Fondation du Théâtre d’Art de Paul Fort (1872-1960), ébauche du futur Théâtre de l’Œuvre de Lugné-Poe. Pierre Louÿs participe pour la première fois aux mardis de Mallarmé.

Juillet : Régnier devient co-directeur de La Wallonie avec Albert Mockel et Pierre-Marie Olin. Il est chargé de recruter des collaborateurs français et d’organiser les numéros spéciaux consacrés à un écrivain.

Juillet – août : Henri séjourne en Alsace dans sa famille maternelle au Schimmel (à Masevaux), puis à Soultz.

Début septembre : Régnier, nerveux et fatigué, souffre de palpitations cardiaques. De passage à Paris, il consulte le médecin qui lui interdit l’alcool et le tabac.

Début septembre – 11 octobre : Séjour à La Lobbe, qui ne calme pas son anxiété.

Mi-octobre : Régnier passe quelques jours à Liège et à Bruxelles où il rencontre Émile Verhaeren. Le 15, il est à Paris.

Novembre – décembre : Régnier est chargé d’organiser avec Barrès le banquet offert à Moréas à l’occasion de la parution du Pèlerin passionné (Vanier).

2 novembre : Régnier et Mallarmé rendent visite à Verlaine hospitalisé à l’hôpital Broussais.

18 novembre : Début de la correspondance de Régnier avec Louÿs, qu’il introduit chez Heredia le 13 décembre.

1891

Cette année marque l’apogée du mouvement symboliste avec le banquet Moréas (2 février) et l’enquête du journaliste Jules Huret à L’Écho de Paris sur « l’Évolution littéraire » (3 mars – juillet) à laquelle participent soixante-quatre écrivains, toutes esthétiques confondues. Régnier noue des relations avec de nouveaux venus (Gide, Louÿs, Valéry) et développe ses liens avec de plus âgés (Bonnières).

6-14 janvier : Régnier écrit « La Gardienne », poème dramatique refusé par la Revue des Deux Mondes malgré le soutien de Heredia.

Mi-janvier : Vielé-Griffin loue le château de Nazelles (Indre-et-Loire) pour un bail de 9 ans.

1er février : Publication dans les Entretiens de l’article de Régnier sur le Journal des Goncourt, intitulé « À propos des Mémoires d’un homme de qualité ».

2 février : Banquet Moréas à l’Hôtel des sociétés savantes, 28 rue Serpente, sous la présidence de Mallarmé. Régnier y rencontre Gide, lui-même invité par Barrès rencontré le matin même chez Perrin, leur éditeur commun.

24 février : Régnier rencontre Oscar Wilde chez Mallarmé. Il le reverra plusieurs fois au cours de son séjour à Paris.

4 mars : Début de la correspondance de Régnier avec Gide, qu’il introduit le 7 chez Heredia.

25 mars : Interview de Régnier à L’Écho de Paris : l’école symboliste n’est pas une doctrine, mais un abri provisoire pour les jeunes, « qui ne se sentaient pas disposés à marcher servilement sur les traces des devanciers, les Parnassiens qui ont parachevé leur œuvre, les naturalistes qui finissent de sombrer dans l’ordure ».

1er avril : Second article de Brunetière dans la Revue des Deux Mondes, « Le Symbolisme contemporain », plus ouvert et plus tolérant que le premier. Mais il reproche toujours à la poésie nouvelle son hermétisme et sa dislocation du vers traditionnel et il traite avec condescendance Moréas, Vielé-Griffin, Kahn et Régnier chez qui « beaucoup de vanité se mêle à beaucoup d’enfantillage ». Vielé-Griffin répond dans les Entretiens de mai.

2 mai : Drame de Fourmies : l’armée tire sur des ouvriers grévistes de la filature Jacquot qui manifestent dans les rues de la ville pour obtenir la libération de leurs camarades emprisonnés depuis le matin, tuant neuf personnes dont trois d’entre elles, deux jeunes filles et un enfant, se trouvaient dans un café.

12 juin : Fondation du dîner des sept sages - Robert de Bonnières, André de Guerne (1853- 1912), Quillard, Lazare, Régnier, Hérold et Louÿs - qui a lieu à Versailles, puis chez Ledoyen, aux Champs-Élysées.

4 juillet : L’interview de Kahn, inexplicablement injurieux à l’égard de Régnier, provoque leur brouille. Régnier, écrit-il, « cela n’a aucune espèce de talent », « c’est l’antithèse de toute littérature ».

9 juillet – 30 août : Séjour à La Lobbe. Sur le chemin du retour, il s’arrête une journée à Reims, l’une des six « villes de Psyché ».

5 septembre – 17 octobre : Premier séjour d’Henri à Nazelles.

14 septembre : Moréas publie son manifeste de l’école romane dans Le Figaro et expose les grandes lignes du « principe gréco-latin » mis en œuvre dans son Pèlerin passionné.

19 septembre : Duel à l’épée de combat dans l’île de la Grande-Jatte entre Vielé-Griffin et Catulle Mendès à la suite d’un article des Entretiens qui suggérait que Mendès avait censuré certaines interviews de L’Écho de Paris dont il est le directeur littéraire. Les témoins de Francis, très légèrement blessé, sont Paul Adam et Félix Fénéon.

30 septembre : Suicide du général Boulanger, à Ixelles.

1er octobre : Fondation de la série parisienne de La Revue blanche dont Régnier ouvre le premier numéro avec un poème en prose, « Les Promeneurs ».

10 octobre : Régnier rencontre Valéry chez Mallarmé.

Novembre : Publication des Épisodes, Sites et Sonnets, le dernier livre de Régnier chez Vanier, édition partiellement originale.

1er novembre : Régnier publie dans les Entretiens ses « Propos interrupteurs » consacrés au « triumvirat naturaliste », très hostiles à Daudet et à Zola, mais plutôt favorables à Goncourt, le seul qui fût véritablement artiste ». L’article lui vaut une lettre ouverte du secrétaire de La Revue blanche, Lucien Muhlfeld (1870-1902), publiée dans les Entretiens de décembre.

9 novembre : Article élogieux de Lazare dans La Nation sur Épisodes, Sites et Sonnets : « Parmi tous ceux de sa génération, on peut hautement le dire, M. de Régnier est le poète le plus magnifiquement doué ».

27 décembre : Unique collaboration de Régnier à la revue anarchiste L’En-Dehors, où Lazare et lui sont introduits par Fénéon.

1892

L’année est marquée par une série de crises politiques et sociales. Une vague meurtrière d’attentats anarchistes a lieu à Paris et provoque des positions contrastées dans l’avant-garde littéraire, certains (Adam, Fénéon, Quillard et Vielé-Griffin) défendant l’idée d’un anarchisme intellectuel. Ravachol, arrêté le 30 mars, est guillotiné le 10 juillet. De la mi-août à début novembre, les mineurs de Carmaux poursuivent une grève très dure. Le 21 novembre, enfin, s’ouvre devant la Cour d’appel de Paris, après dix-huit mois d’instruction, le procès de la Compagnie du canal de Panama dont le verdict sera rendu le 21 mars 1893.

Janvier : Nouvelle organisation des Entretiens, qui sont pour quelques mois financés aussi par Gide, Louÿs et Stuart Merrill (1863-1915) et ouvrent une chronique régulière des livres confiée à Lazare. Ce même mois, « La Gardienne » paraît dans La Wallonie, datée janvier- février, avant d’être recueillie dans Tel qu’en songe.

1er février : Régnier publie dans les Entretiens un récit, « Le Voyage du jeune Hilarion », qui sera suivi de deux autres, « Le Combat dans la forêt » (1er avril) et « Le Sixième Mariage de Barbe-bleue » (1er décembre).

Avril : Publication de Tel qu’en songe, à la Librairie de l’art indépendant, précédé d’une préface-dédicace à Jacques-Émile Blanche qui explicite ses intentions : « Ces divers épisodes, d’une technique composite, concourent tous à l’illustration d’une sorte d’apologie emblématique de Soi qui est le but de l’ensemble de cet ouvrage ». Le recueil connaît une importante réception critique. Proust, notamment, lui consacre un article dans Le Banquet de novembre.

Avril - mai : Régnier et Louÿs posent ensemble dans l’atelier de Blanche à Auteuil, sans Gide, d’abord prévu, mais alors à Munich. Les poses interrompues reprennent à l’automne.

Mai : Publication de Questions de méthode. Le Rythme poétique (Perrin), dans lequel le poète Robert de Souza (1864-1946) consacre plusieurs pages à la « laisse rythmique » de Régnier et Vielé-Griffin.

1er mai : Vielé-Griffin publie dans les Entretiens un article consacré à Sully Prudhomme et à ses Réflexions sur l’art des vers (Lemerre). Francis se refuse à admettre que « le duodécapode syllabique à césure fixe » soit « le seul étalon de l’eurythmie verbale ». Régnier est chargé d’aller justifier sa position devant le maître parnassien à qui il rend visite le 16 mai « pour parler prosodie ».

9 juin : Régnier déjeune chez Jean Lorrain qui le présente à Goncourt. Celui-ci note le jour même dans son Journal : « De Régnier, un crâne sans derrière de tête et un bas de figure terminé par un menton en galoche, comme je n’en ai point encore vu ; et par là-dessus, de la distinction et de la gentillesse ».

20 juin : Régnier renonce à accompagner Dujardin au festival de Bayreuth, par grand « besoin de repos, de paix et de calme ».

1er juillet : Vielé-Griffin publie en tête du n° 28 des Entretiens un nouveau manifeste, qui s’engage à publier des « lectures poétiques » à côté des articles de « théorie socio-politique ». Mais la revue de combat a perdu une part de sa raison d’être et Francis s’en détache peu à peu.

14 juillet – 20 août : Second séjour de Régnier à Nazelles. Il y retrouve Adam, assez souffrant, qui y passe l’été avec sa mère. Henri, Francis et Paul écrivent ensemble une comédie intitulée Les Susceptibles, qui ne trouvera ni théâtre, ni éditeur, mais dont le début paraîtra sous le titre « Fragment dramatique » dans La Plume du 1er avril 1894 sans la signature de Régnier.

21 août – 5 septembre : Voyage en Bretagne avec Gide, qui constitue l’acmé de leur amitié. Ils se retrouvent à Auray et passent notamment par Lorient, Belle-Isle-en-mer, Morgat, Quimper et Brest. À Morgat, ils assistent à l’embarquement d’Hérold sur un petit voilier pour Brest.

Septembre : Depuis Brest, Régnier rejoint Le Croisic où il passe quatre jours maison Lalande, chez Heredia, développant davantage encore son intimité avec le poète et sa famille, notamment avec ses trois filles, Hélène (née le 19 juillet 1871), Marie (née le 20 décembre 1875) et Louise (née le 29 août 1878). Il séjourne ensuite quatre autres jours à Rocheservière dans le milieu beaucoup plus austère de ses cousins Just des Lyons.

16 septembre – 12 octobre : Séjour à Paray-le-Monial.

Novembre : Après le retrait de Dujardin, un moment tenté par la reprise de la revue, et après des hésitations, Vielé-Griffin cède les Entretiens à l’éditeur Ernest Kolb, poussé en ce sens par Régnier, Adam et Lazare.

30 novembre : Régnier rend visite pour la première fois à Goncourt dans sa maison d’Auteuil.

1893

Régnier fréquente beaucoup les salons mondains où il dût croiser Proust, ceux de Geneviève Straus (1849-1926), Lydie Aubernon (1825-1899), Henriette de Bonnières (1854-1906), Winaretta Singer (1865-1943), future princesse de Polignac, Judith Gautier (1845-1917) et Madeleine Lemaire (1845-1928). Pour la dernière année des Entretiens, désormais bimensuels, il tient la chronique dramatique dont il se lasse au bout de six articles.

Janvier : Régnier rencontre Robert de Montesquiou (1855-1921) chez Heredia.

16 février : Publication des Trophées de Heredia chez Lemerre. Régnier a fortement contribué au choix et à l’organisation des poèmes dans le recueil.

25 février : Henri publie dans les Entretiens son premier essai sur Baudelaire, qui servira de matrice à ses études ultérieures sur la personnalité et l’œuvre du poète des Fleurs du mal.

2 mars : Conférence d’Edmond Picard (1836-1924) devant le groupe des XX au Grand Hôtel de Bruxelles sur Régnier qui lui adresse pour l’aider une lettre de renseignements. Picard publie ensuite cette lettre sans autorisation dans L’Art moderne. Régnier réagit dans la même revue le 19.

19 mars : Nouvelle visite avec Mallarmé chez Whistler, 110 rue du Bac.

1er avril : Première collaboration de Régnier au Mercure de France avec trois sonnets.

15 avril : Fondation de la librairie du Mercure de France, qui devient le principal éditeur de Régnier dès 1895.

12 mai : Déjeuner chez la princesse Ouroussoff, épouse de l’ambassadeur de Russie avec entre autres Gide et Louÿs. Le soir il assiste à la première de La Walkyrie à l’Opéra de Paris.

17 mai : Henri assiste à la représentation de Pelléas et Mélisande, de Maeterlinck, au Théâtre des Bouffes Parisiens par la troupe de l’Œuvre. Il en rend un compte rendu élogieux le 21 dans L’Art moderne.

28 juin : Mort d’Henri Charles de Régnier, qui sera inhumé à La Lobbe. Dans les jours suivants, Thérèse, la mère du poète, est atteinte d’une phlébite dont elle souffre tout l’été.

Juillet : Début de la correspondance avec Francis Jammes qui envoie ses vers à Régnier dans l’espoir que Gide et lui l’aident à diffuser son œuvre naissante dans le milieu littéraire parisien. Au début de ce mois, se déroulent contre le sénateur Bérenger, alias le « Père la Pudeur », des manifestations étudiantes sévèrement réprimées par les forces de l’ordre et soutenues par une large partie de l’avant-garde littéraire.

Juillet - août : Henri reste à Paris auprès de sa mère et de sa sœur. Il se sent seul, beaucoup ayant quitté la ville surchauffée. Il voit quand même çà-et-là Leconte de Lisle et, parmi les plus jeunes, Quillard, Lazare et Adam. Il pratique aussi par amusement plus que par conviction le spiritisme chez son éditeur Edmond Bailly. Isabelle entretient une correspondance avec Marie, la seconde fille de Heredia, dont Henri parle dans ses Cahiers pour la première fois en juin, à l’occasion d’une séance de pose dans l’atelier de Blanche.

Septembre : Séjour à Paray-le-Monial avec Thérèse, qui se rétablit, et Isabelle.

24 septembre – 10 octobre : Voyage dans le midi. Il séjourne au Pras, en Ardèche, chez Hérold, puis visite Aix-en-Provence, Arles, Aigues-Mortes (trois des « villes de Psyché »), Avignon, Nîmes, Marseille et les Baux de Provence.

Deuxième quinzaine d’octobre : Nouveau séjour à Paray-le-Monial avant le retour à Paris.

Novembre : Publication à la Librairie de l’Art indépendant de la première édition des Contes à soi-même, qui contient les deux séries des « Soirs intimes et mondains ». Hérold (Mercure) et Adam (Entretiens) lui consacrent une critique élogieuse.

1894

7 janvier : Régnier annonce à Vielé-Griffin la « rupture d’une vieille liaison de dix années », évidemment celle avec Antoinette.

15-22 février : Séjour en Belgique au cours duquel Régnier prononce sa conférence parue sous le titre « Le Bosquet de Psyché », le 16 au Cercle artistique et littéraire de Bruxelles, le 20 à la Libre Esthétique (ex-groupe des XX), toujours à Bruxelles, et le 21 à la Société d’émulation de Liège. Accompagné de Hérold et de Louÿs, il retrouve Verhaeren qui l’accueille avec chaleur.

22 février : Heredia est élu à l’Académie française au fauteuil de Charles de Mazade (1820- 1893) au cinquième tour de scrutin par 19 voix contre 7 à Zola, 5 à Francis Charmes et un bulletin blanc. Régnier conseille Heredia dans la conception de son discours, en l’invitant à évoquer Lamartine sur lequel Mazade a publié un livre en 1872. À cette occasion, les trois filles du poète fondent une Académie pour rire, « l’Académie Canaque » à laquelle participent entre autres Régnier, Proust et Valéry.

Mars : Publication du Bosquet de Psyché à Bruxelles chez Lacomblez.

4 avril : Attentat anarchiste au restaurant Foyot, 33 rue de Tournon, qui conduit à la mise en accusation de Fénéon et au « procès des Trente ».

Mai : Publication à la Librairie de l’Art indépendant de Propos de littérature, d’Albert Mockel, un parallèle entre Régnier et Vielé-Griffin.

20 mai : Premier conseil d’administration du Mercure de France, constitué en société anonyme le 12 mai précédent. Alfred Vallette est élu directeur. Henri et Francis sont parmi les premiers actionnaires.

30 mai : Inauguration du « Pavillon Montesquiou », avenue de Paris, à Versailles. Régnier est parmi les invités, comme Heredia, Barrès et Proust, qui en rend compte dans Le Figaro. Henri décrit l’événement dans Nos rencontres (1931) et, sur le mode fictionnel, dans Le Mariage de minuit (1903).

17 juin : Régnier avoue à Vielé-Griffin que Louÿs et lui sont amoureux de la même femme sans préciser son nom.

21 juin : Première de La Gardienne à la Comédie parisienne par la troupe de l’Œuvre.

24 juin : Assassinat à Lyon du Président Sadi Carnot par l’anarchiste italien Santo Caserio.

6 juillet : Heredia écrit dans le Journal des Débats : « De tous les jeunes poètes, M. Henri de Régnier est, sans contredit, le plus magnifiquement doué ».

8 juillet : Mort de Leconte de Lisle à Voisins, près de Louveciennes. Régnier lui rend hommage dans La Revue blanche du 1er août.

11 juillet – 16 ou 17 août : Séjour à La Lobbe.

6-12 août : « Procès des Trente » jugés pour « association de malfaiteurs » par la cour d’assises de Paris. Fénéon et les autres intellectuels emprisonnés à Mazas depuis avril sont acquittés.

20-23 août : Régnier séjourne quelques jours à Dieppe chez Blanche.

23 août – 28 septembre : Troisième séjour d’Henri à Nazelles. Il y découvre les joies de la bicyclette et rêve d’en posséder une à Paris. Invité fin septembre à Blanche Couronne (Loire- Atlantique) par Heredia qui séjourne chez ses amis Toulmouche, il hésite à accepter, gêné par les rumeurs qui circulent sur un possible mariage entre Marie et lui, puis décide de refuser et de rejoindre directement sa famille à Paray-le-Monial.

28 septembre -16 octobre : Séjour à Paray-le-Monial.

Novembre : À une soirée chez Mme Straus, Régnier rencontre le comte Giuseppe Napoleone Primoli (1851-1927) qui l’introduit quelques jours plus tard rue de Berri dans le salon de sa tante, la princesse Mathilde (1820-1904), qui recevait jadis Flaubert, Gautier et les Goncourt. Leur relation sera durable.

22 décembre : Clôture du premier procès de Dreyfus, condamné à la déportation perpétuelle et à la dégradation militaire.

1895

Régnier publie trois livres cette année : Le Trèfle noir (Mercure), sans doute la réussite la plus élaborée de la prose symboliste, Aréthuse (Librairie de l’Art indépendant), qui marque une évolution de sa prosodie vers des formes plus régulières, et Poèmes 1887-1892 (Mercure), qui contient les Poèmes anciens et romanesques et une édition augmentée de Tel qu’en songe, sans toutefois la préface à Blanche. Leur réception dans les revues issues du symbolisme est le plus souvent élogieuse.

Janvier : Brouille entre Paul Adam et Vielé-Griffin pour une raison inconnue.

1er mars : Banquet Edmond de Goncourt au Grand Hôtel, place de l’Opéra. Régnier, choisi par Alphonse Daudet pour représenter la nouvelle génération poétique, prononce un toast.

16 avril : Régnier rend visite à Mirbeau à Carrières-sous-Poissy sur son invitation, accompagné de Vielé-Griffin, Brunetière et le romancier-dramaturge Paul Hervieu (1857- 1915), qui sera son second parrain à l’Académie. Il y revient plusieurs fois dans les mois qui suivent, notamment avec Goncourt et Arthur Meyer (1844-1924), le patron du Gaulois.

24 mai : Début de la collaboration de Régnier à L’Écho de Paris où il publie tous les quinze jours des poèmes en alternance avec Vielé-Griffin sous le titre « Les Roseaux de la flûte ».

30 mai : Heredia est reçu sous la Coupole par François Coppée.

14 juillet : Pressé par sa rivalité amoureuse avec Louÿs, Régnier demande à Heredia la main de Marie. Il est agréé dès le lendemain.

Août : Séjour de Régnier à Blanche Couronne dans la famille Heredia.

15 octobre : Mariage de Régnier et de Marie de Heredia. Les témoins d’Henri sont Vielé- Griffin et son cousin Just des Lyons, ceux de Marie son oncle maternel Lucien Despaigne et Brunetière. Le mariage religieux est célébré le 17 à l’église Saint-Philippe-du-Roule. Le mariage restera blanc.

Fin octobre : Le voyage de noces a lieu à Versailles, l’une des « villes de Psyché », à l’Hôtel des Réservoirs.

14 décembre : Henri et Marie dînent chez Proust, 9 boulevard Malesherbes, avec les Heredia, Montesquiou, Robert de Billy (1869-1953), les filles de Félix Faure et Gabriel Hanotaux (1853-1944), diplomate et historien, académicien en 1897, qui devient un ami proche de Régnier.

1896

Son mariage et sa collaboration à la grande presse qui s’amplifie dans les années à venir, même s’il continue de contribuer aux revues d’avant-garde, marquent un changement de stratégie et de besoin. Régnier doit, comme d’autres, gagner sa vie : « je suis condamné au journalisme », écrit-il à Francis (10 juin).

8 janvier : Mort à Paris de Paul Verlaine dans sa cinquante-deuxième année. Le 10, Régnier assiste à ses obsèques à l’église Saint-Étienne-du-Mont.

15 janvier : Début de la collaboration de Régnier à la Revue des Deux Mondes avec une série de poèmes, « Inscriptions pour les treize portes de la ville », qui marquent un retour à une forme plus régulière et plus classique.

18 mai : Banquet au café d’Harcourt célébrant la naissance du Centaure, qui n’aura que deux livraisons. Régnier fait partie des fondateurs de la revue, qui porte le titre d’un de ses poèmes et marque la brouille définitive entre Gide et Louÿs.

Juin : Début de la correspondance de Régnier avec Edmond Jaloux (1878-1949), de quatorze ans son cadet et l’un de ses amis proches à l’époque du « club des longues moustaches ». Mais la rencontre entre Régnier et le jeune Marseillais n’aura lieu qu’en 1907.

5 juin : Régnier continue seul sa croisade poétique à L’Écho de Paris et commence une seconde série bimensuelle qui, sous le titre « La Corbeille des heures », se poursuit jusqu’au 26 février 1897.

16 juillet : Mort à Champrosay d’Edmond de Goncourt dans sa soixante-quinzième année. Le 20, Régnier assiste à ses obsèques à l’église d’Auteuil.

Août - septembre : Henri et Marie séjournent à Nazelles la première semaine d’août, puis à Blanche Couronne jusqu’à fin septembre. Régnier pratique la bicyclette et travaille aux contes de « Monsieur d’Amercœur », dont le premier paraît dans La Revue blanche du 1er décembre.

29 septembre : Mort à Paray-le-Monial d’Octavie du Bard de Curley, la grand-mère maternelle de Régnier.

1er novembre : Régnier succède à Vielé-Griffin à la chronique des poèmes du Mercure. Il la tient chaque mois jusqu’en décembre 1897, en tout quatorze articles, avant de céder le flambeau à leur ami Pierre Quillard qui lui restera fidèle jusqu’à sa mort en 1912.

9 ou 10 décembre : Régnier assiste à la représentation d’Ubu roi, d’Alfred Jarry, au Théâtre de l’Œuvre.

1897

Régnier publie en février Les Jeux rustiques et divins, où se manifeste, à côté du vers libre de

« L’Homme et le Sirène » et des odelettes, un retour au vers régulier, et en octobre La Canne de jaspe, qui réunit « Monsieur d’Amercœur », les trois récits du Trèfle noir et les Contes à soi-même allégés des « Soirs intimes et mondains ». Il continue à partager sa collaboration entre les grandes et les petites revues.

1er janvier : Première contribution de Régnier à La Revue de Paris avec des « Notes sur Hugo » recueillies ensuite dans Figures et Caractères (1901).

1er février : En réponse aux critiques insultantes contre Mallarmé parues dans La Plume, Gide, Valéry, Schwob, Paul Fort et Verhaeren cosignent une « protestation » dans le Mercure.

5 février : Régnier chevalier de la Légion d’honneur.

1er avril : Après celles sur Hugo, Henri publie les « Notes sur Alfred de Vigny », dans La Revue de Paris, repris elles aussi dans Figures et Caractères.

4 mai : Incendie du Bazar de la Charité, une œuvre de bienfaisance située rue Jean-Goujon, qui fait 135 victimes. Mme de Heredia et sa fille Hélène sont blessées. À la suite d’une rumeur infondée, elles accusent Montesquiou, pourtant absent, de s’être frayé un chemin à coups de canne pour quitter les lieux. Montesquiou se sent insulté et s’adresse agressivement à Régnier qui lui demande réparation.

9 juin : Duel à l’épée au Pont de Neuilly entre Régnier et Montesquiou. Les témoins d’Henri sont l’historien Henry Houssaye (1848-1911) et le peintre Jean Béraud (1849-1935). Une légère blessure de Montesquiou à la racine du pouce met fin au combat.

24 juin : Mariage de Paul Adam et de Marthe-Sarah Meyer (1878-1961), la sœur de Jeanne Muhlfeld (1875-1953) et de Suzanne Cappiello (1880-1969). Cette nouvelle situation lui donne l’aisance que ses livres ne suffisaient pas à lui fournir. Le couple s’installe avenue du Trocadéro (aujourd’hui avenue du Président-Wilson) et, aux beaux jours, il demeure à Montebise, près de La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne).

Été : Augustine Bulteau (1860-1922), dite Toche, ouvre son salon le dimanche, 149 avenue de Wagram. Elle deviendra l’une des grandes amies de Régnier et l’aidera à découvrir Venise.

Juillet : Henri et Marie voyagent dix jours sur les rives du Rhin, à Anvers et à Amsterdam. 14-28 août : Séjour à Nazelles, le cinquième et dernier pour Henri, le second pour Marie.

17 octobre : En ce second anniversaire de son mariage avec Henri, Marie devient la maîtresse de Louÿs.

13 novembre : Mort de Mathilde de Pons, la tante maternelle de Régnier.

1898

1er janvier : Régnier commence la publication dans L’Écho de Paris d’une troisième série de poèmes qui, sous le titre « Les Médailles d’argile », se poursuit jusqu’au 8 juillet 1899.

13 janvier : Dans sa lettre ouverte au Président Félix Faure, Zola dénonce l’acquittement du traitre Esterhazy par le Conseil de guerre, provoquant le début de l’Affaire Dreyfus. Régnier ne prend guère position, même si son milieu le rangerait plutôt parmi les antidreyfusards.

28 juin : Régnier publie dans Le Gaulois un article sur Chateaubriand pour le cinquantenaire de sa mort, recueilli dans Figures et Caractères. C’est sa première contribution au quotidien d’Arthur Meyer fondé en 1868 et destiné à fusionner le 1er avril 1929 avec Le Figaro.

15 juillet : Régnier publie un important article sur Michelet dans La Revue de Paris, repris lui aussi dans Figures et Caractères.

1er ou 2 août : Régnier déménage 14 rue de Magdebourg, sur la colline de Chaillot.

30-31 août : L’Affaire Dreyfus rebondit avec les aveux et le suicide en prison du lieutenant- colonel Henry, auteur de faux documents destinés à accuser Dreyfus.

8 septembre : Naissance de Pierre de Régnier, dit Tigre, fils de Marie et sans doute de Louÿs

-ou de Jean de Tinan (1874-1898) avec qui Marie a une courte liaison en décembre 1897 pendant un voyage de Louÿs en Égypte - aussitôt reconnu par Henri. Le baptême a lieu le 27.

9 septembre : Mort à Valvins de Mallarmé dans sa cinquante-septième année. L’inhumation a lieu le 11 à Samoreau, sur l’autre rive de la Seine en présence notamment de Régnier, Valéry et Heredia.

28-31 octobre : Henri et Marie séjournent à Amsterdam en compagnie de Louÿs. 18 novembre : Mort de Jean de Tinan, à 24 ans, d’une maladie de cœur.

1899

Cette année se situe sous le signe des commencements avec la prépublication du premier roman, La Double Maîtresse, le premier voyage en Italie et le premier séjour à Venise.

Début de l’hiver : Régnier réunit en un seul volume au Mercure les recueils édités par Vanier de 1885 à 1891 sous le titre Premiers Poèmes.

Février : Publication du Trèfle blanc, qui réunit trois récits fictionnels. Deux d’entre eux,

« Jours heureux » et « La Côte verte », inspirés de souvenirs de jeunesse à Paray-le-Monial et à Honfleur, expriment un intimisme inédit dans son œuvre.

11 février : Première conférence d’André Beaunier (1869-1925) sur la Poésie contemporaine à la salle Charras (9e arrondissement). Régnier ouvre la série.

24 juin : Mariage de Louise de Heredia avec Pierre Louÿs à l’église Saint-Philippe-du-Roule. Régnier est le témoin de Louise, dite familièrement Loulouse.

15 juillet – 30 septembre : Prépublication de La Double Maîtresse dans L’Écho de Paris.

29 juillet : Mariage d’Hélène de Heredia avec l’entomologiste et romancier Maurice Maindron (1857-1911) à l’église Saint-Philippe-du-Roule. Régnier est le témoin de sa belle- sœur.

Début août : Grâce à Brunetière, Régnier est invité par le Cercle français de Harvard à faire une série de conférences sur la poésie française contemporaine dans les universités américaines en 1900.

7 août – 9 septembre : Après la décision de cassation du jugement de 1894 (5 juin), Dreyfus se présente à Rennes devant le Conseil de guerre. Il est à nouveau jugé coupable de trahison, mais avec des « circonstances atténuantes ». Il est condamné à dix ans de réclusion et à la dégradation militaire. Gracié le 19 septembre et libéré le 21, il ne sera réhabilité que le 12 juillet 1906.

Septembre - octobre : Premier voyage de Régnier en Italie. Le couple séjourne à Venise au Palais Dario chez la comtesse Isabelle de La Baume-Pluvinel (1858-1911), amie proche de Mme Bulteau et écrivain sous le nom de Laurent Évrard, avant de visiter Vérone, Florence et Pise.

1900

1900, au mitan de la vie de Régnier, est l’année de la double rupture. Celle avec Vielé-Griffin, l’ami fraternel de la jeunesse, reste mystérieuse, malgré toutes les hypothèses qui ont été avancées. Celle avec Gide, au contraire, s’explique par la différence de plus en plus visible de leur personnalité et prend prétexte d’un éreintement de La Double Maîtresse, même si elle ne sera effective que beaucoup plus tard.

Janvier : Publication de La Double Maîtresse, puis presque aussitôt des Médailles d’argile.

6 février : Conférence de Régnier, « Poètes d’aujourd’hui et Poésie de demain » à la Société de Géographie, 184 boulevard Saint-Germain, en avant-première de sa tournée américaine. Le texte sera publié dans le Mercure du 1er août.

16 Février - 10 Mai : Tournée de cinquante-et-une conférences dans les universités américaines, notamment à New York, Boston, Washington, Chicago, Philadelphie, La Nouvelle-Orléans et San Francisco. Il ne consacrera pas de livre à son voyage, mais essaimera ses souvenirs dans le labyrinthe de ses Cahiers et dans des articles publiés sur une assez longue période, le plus élaboré paraissant sous le titre « Au pays de l’avenir » dans Le Gaulois du 29 mars 1904, avant d’être recueilli dans Sujets et Paysages (1906).

1er mars : Gide publie dans La Revue blanche une très sévère critique de La Double Maîtresse, qui provoque leur éloignement et, à terme, leur brouille définitive.

15 avril – 12 novembre : Exposition universelle à Paris.

25 juillet : Dernière lettre retrouvée de Vielé-Griffin à Régnier. Francis y exprime son regret de n’avoir pas vu Henri depuis plusieurs mois et l’invite à le rejoindre à Nazelles pour

« dépendre la crémaillère ».

Septembre - octobre : Régnier souffre d’une phlébite et se blesse dans une chute de bicyclette.

Derniers jours de décembre : Grippe. La fièvre et la fatigue durent jusqu’aux premiers jours de janvier, en tout deux semaines.

1901

Régnier publie en avril son premier recueil d’essais, qui réunit, sous le titre neutre Figures et Caractères, des études critiques principalement parues au Gaulois et à La Revue de Paris (1897-1900) et ses deux conférences de 1894 et 1900, puis, en octobre, Les Amants singuliers, les trois contes du « Trèfle rouge » prépubliés dans La Revue de Paris.

2 février : Heredia est nommé administrateur de la Bibliothèque de l’Arsenal.

9 mai : Régnier, invité par Gide, assiste à la première du Roi Candaule au Théâtre de l’Œuvre.

12 mai : Dans son premier-Paris du Gaulois, Régnier salue la publication du Cœur innombrable, le premier livre d’Anna de Noailles.

2 août : Henri et Marie arrivent à Paray-le-Monial pour un séjour d’un mois. Régnier travaille au Bon Plaisir et à un article sur Huysmans à paraître dans Le Gaulois (10 octobre).

Octobre - novembre : Second séjour à Venise. Henri et Marie logent à nouveau chez Isabelle de La Baume, au Palais Dario, où ils retrouvent le peintre Maxime Dethomas (1867-1929), rencontré chez Heredia en 1895, et développent une amitié durable avec Mme Bulteau. Régnier, atteint d’une congestion pulmonaire, reste alité plus d’un mois.

1er décembre : Gide publie dans L’Ermitage une recension des Amants singuliers et de Figures et Caractères, mais ni son accueil favorable, ni leur échange épistolaire ne suffisent à lever le contentieux entre eux.

1902

Régnier publie en février son second roman, Le Bon Plaisir, révélateur de son goût du pastiche, et en octobre un nouveau livre de vers, La Cité des eaux, dont la première section célèbre le parc de Versailles. Malgré la place encore notable du vers libre, le recueil manifeste, à la suite des Médailles d’argile, un retour remarqué à l’alexandrin et au sonnet.

Hiver : Dans le salon de Mme Bulteau, Régnier est plusieurs fois confronté à Léon Daudet dont les idées et la personnalité lui déplaisent.

1er mars : Un important article de Marius-Ary Leblond dans le Mercure, consacré à Régnier et la critique « décorative », l’invite à ouvrir son œuvre au monde contemporain.

Avril - mai : Le Bon Plaisir reçoit un accueil favorable. Régnier travaille au Mariage de minuit, son premier roman contemporain.

30 avril : Régnier assiste à la première de Pelléas et Mélisande, de Debussy, à l’Opéra- comique.

22 juin : Nouvelle passe d’armes épistolaire entre Régnier et Gide : « permettez-moi de vous dire que si vous auriez eu quelque répugnance à écrire certaines scènes de La Double Maîtresse, je n’aurais pas eu de plaisir à avoir écrit certaines pages de L’Immoraliste ».

Été : Régnier travaille sur un nouveau roman, La Pécheresse, abandonné après une centaine de pages, qui ne paraîtra qu’en 1920. De son côté, Marie écrit son premier roman inspiré par ses amours avec Jean de Tinan, L’Inconstante, qui paraît sous le pseudonyme de Gérard d’Houville chez Calmann-Lévy en 1903.

Septembre : Séjour à Paray-le-Monial avec Marie et Tigre. Il se consacre à des recherches sur sa généalogie familiale et à la mise au point de souvenirs de jeunesse notés dans ses Cahiers.

26 octobre : Inauguration du monument Baudelaire au cimetière Montparnasse.

1er décembre : Mort à Paris de Lucien Muhlfeld, premier secrétaire de La Revue blanche, à 32 ans. Régnier lui consacre un article, « Un jeune », en premier-Paris du Gaulois (3 décembre), un mois après avoir publié dans le même journal une recension de son roman L’Associé (4 novembre). Henri et Marie deviennent les familiers de sa veuve, Jeanne Muhlfeld, dite « la Sorcière », qui accueille la fine fleur de la littérature d’abord chez son beau-frère Paul Adam, avenue du Trocadéro, puis dans son propre salon, 12 rue Galilée, et, à partir de 1914, 3 rue George-Ville.

14 décembre : Dans La Gazette de France, Maurras juge Régnier « le plus mauvais poète du siècle ».

1903

Régnier publie deux romans contemporains : en février Le Mariage de minuit et en septembre Les Vacances d’un jeune homme sage. Le premier est « une chronique acerbe de la vie mondaine, avec d’évidentes clés » (Patrick Besnier), le second une initiation sentimentale dont l’action se situe dans une petite ville de province, Rivray-sur-Vince, où se reconnaît aisément Paray-le-Monial, décrit pour la première fois en détail et dans un cadre fictionnel.

15 février – 15 avril : Régnier collabore à La Renaissance latine, la revue du prince Constantin de Brancovan (1875-1967), le frère d’Anna de Noailles, dont le secrétaire est l’écrivain suisse Binet-Valmer (1875-1940), avec la prépublication en trois livraisons de son cinquième roman, Les Rencontres de M. de Bréot.

1er avril – 11 mai : Voyage en Italie. Henri et Marie rejoignent Mme Bulteau, Mme de La Baume et le comte Primoli à Rome, d’où ils excursionnent en voiture vers la villa Lante à Bagnaia, près de Viterbe, et Orvieto. Un accident de la circulation, où Mme Bulteau se blesse légèrement, les oblige à continuer seuls leur voyage. Ils découvrent Naples, Pompéi, Salerne, Paestum, Amalfi, puis Assise, Pérouse, Florence, Sienne, Ferrare et Ravenne, avant de rejoindre Venise pour un troisième séjour, réduit à une semaine. Cette fois, ils logent à l’Hôtel Vittoria. Ce périple est raconté en détail dans ses Cahiers.

15 avril : 237e et dernier numéro de La Revue blanche, qui contient notamment des poèmes et la critique dramatique de Jarry.

1er septembre : Mort de Bernard Lazare, à 38 ans.

Début septembre – mi-octobre : Séjour à Montfort-l’Amaury dans une maison louée par les Heredia. Non loin de là, se trouve « l’adorable château des Mesnuls » qui deviendra Valnancé dans Le Passé vivant.

Automne : Régnier se promène plusieurs fois au parc de Versailles et voit souvent Anna et Matthieu de Noailles. Il relit aussi les Confessions, de Rousseau : « Je ne l’aime pas ».

1904

C’est une année de voyages, une croisière en Méditerranée jusqu’à Athènes et Constantinople, puis un quatrième séjour à Venise. En septembre, paraît Les Rencontres de M. de Bréot, son nouveau roman « costumé », alors qu’il travaille au Passé vivant, son sixième roman, prépublié à La Revue de Paris à partir du 15 décembre.

2 janvier : Mort de la princesse Mathilde.

5 ou 12 Février : Grâce au comte Primoli, Henri et Marie entrent en relation avec Martine de Béhague (1870-1939), comtesse de Béarn, qui les reçoit dans son hôtel de l’avenue Bosquet (aujourd’hui l’ambassade de Roumanie). Leur amitié sera durable.

2 mai – 16 juin : Première croisière en Méditerranée. Ils voyagent sur le Velléda, le yacht du duc Decazes (1864-1912). Marie y retrouve Georgie Raoul-Duval, dont elle est la maîtresse depuis 1902. Ils s’embarquent à Marseille, puis vont à Bonifacio, Palerme, Taormina, Olympie, Salamine, Athènes et enfin Constantinople où ils demeurent une semaine. Ils y rencontrent le capitaine de corvette Julien Viaud (Pierre Loti), alors commandant du Vautour, dont le second est le lieutenant de vaisseau Charles Bargone (Claude Farrère). Avec eux, ils pénètrent dans les quartiers « réservés » de la ville. Le retour à Marseille se fait par Brousse, Santorin, la Crète et Malte. Régnier consacre de nombreux feuillets de ses Cahiers, plusieurs essais dispersés dans la presse dont quelques-uns seront recueillis en volume, et un livre, Escales en Méditerranée (1931), à ce voyage et en particulier à la rencontre avec Loti.

7 août – septembre : Premier séjour à La Baule, chalet Saint-Christophe. Régnier commence à travailler aux Scrupules de Sganarelle.

Octobre - novembre : Quatrième séjour à Venise. Henri et Marie logent Casa Zuliani.

13 octobre : La tentative de suicide de Lily Debussy, abandonnée par Claude parti vivre avec Emma Bardac, éloigne du compositeur plusieurs de ses amis, parmi lesquels Régnier.

29 octobre : Gide écrit à Régnier son « ravissement » à la lecture des Rencontres de M. de Bréot, livre pourtant tout aussi libertin, sinon davantage, que La Double Maîtresse. Mais la tentative de réconciliation fait à nouveau long feu.

1905

Régnier continue de collaborer au Gaulois (une dizaine d’articles) et aux grandes revues (Revue de Paris pour la prose et Revue des Deux Mondes pour le vers), tout en restant présent dans celles issues de l’avant-garde symboliste. Ainsi contribue-t-il à Vers et Prose, le recueil au titre mallarméen fondé par Paul Fort, au nouvel Ermitage désormais aux mains de Gide et Gourmont et à Poésia, de Marinetti. Les rencontres mondaines ou plus strictement littéraires (Edmond de Rothschild, Martine de Béhague, Anna de Noailles, Jeanne Muhlfeld) se poursuivent.

1er janvier : Le Mercure paraît désormais deux fois par mois avec une « revue de la quinzaine » de plus en plus volumineuse.

15 février – 15 mars : Important article d’Edmond Jaloux dans la revue aixoise Les Gerbes, qui cimente leur amitié naissante et montre la similitude de leur esprit et de leur vision du monde.

26 février : Mort de Marcel Schwob (1867-1905). Régnier a noué avec lui une amitié discrète dont témoignent quelques lettres encore inédites.

Printemps : Paul Fort fonde la revue trimestrielle Vers et Prose, qui rassemble la fine fleur de la génération symboliste à laquelle se mêlent de nouveaux venus comme Apollinaire et André Salmon (1881-1969). Le premier numéro, daté mars-avril-mai, réunit entre autres Vielé- Griffin, Verhaeren, Gide, Maeterlinck, Schwob in memoriam et Régnier avec son poème « La Lampe ». La revue aura 36 livraisons, la dernière l’hiver 1914.

Avril : Publication du Passé vivant, roman contemporain sur la métempsycose dominé par la figure fascinante de Casanova. Il connaît un réel succès public et critique.

7 avril : Suicide de Robert de Bonnières.

24 avril : Régnier répond à l’enquête du Gil Blas sur le Mouvement littéraire, diligentée par Georges Le Cardonnel et Charles Vellay.

29 mai : Inauguration du Musée des Arts décoratifs dont le conservateur est Louis Metman. Régnier lui consacre un article dans Le Gaulois du 8 juin, sous le titre « Leçons de choses ».

Juillet - septembre : Second séjour à La Baule, villa Maris-Stella. Régnier, souvent déprimé, commence à travailler à La Peur de l’amour, son septième roman. Il rencontre le cousin d’Anna de Noailles, Constantin Photiadès (1883-1949), qui deviendra l’un de ses amis proches. Avant de rentrer à Paris, Henri et Marie dînent à Blanche Couronne chez les Toulmouche, où ils n’étaient pas revenus depuis neuf ans.

1er août : Régnier publie sa première série de poèmes en prose consacrés à Venise sous le titre

« Esquisses vénitiennes » dans La Revue de Paris.

2 octobre : Mort de Heredia, des suites d’un cancer de l’estomac, au château de Bourdonné (Yvelines), chez ses amis Georges Itasse, où il s’était retiré début juillet. Les obsèques sont célébrées le 6 à l’église Saint-Paul-Saint-Louis et l’inhumation a lieu le 7 au cimetière de Bonsecours, à Rouen.

Décembre : Jean-Louis Vaudoyer (1883-1963), diplômé de l’École du Louvre et « attaché libre » au Musée des Arts décoratifs auprès de Louis Metman, publie un article sur les romans de Régnier dans sa revue Les Essais. C’est le début d’une longue amitié entre eux marquée par le « club des longues moustaches », le goût de Venise et une commune passion amoureuse pour Marie.

1906

Régnier publie quatre ouvrages en 1906. Trois d’entre eux sont des regroupements de textes : en mars, La Sandale ailée réunit l’essentiel de ses vers écrits entre 1903 et 1905, en mai les Esquisses vénitiennes ses poèmes en prose illustrés par Maxime Dethomas (chez Floury) et en septembre Sujets et Paysages une partie des essais parus dans Le Gaulois (1901-1906) ou, pour « Beyle et Barbey » dans La Renaissance latine (1902). Le quatrième est le conte L’Amour et le Plaisir (1901) tiré à 50 exemplaires (chez Pierre Dauze).

18 janvier : Barrès est élu à l’Académie française au fauteuil de Heredia.

Février : Sans se porter encore candidat, Régnier commence à consulter les académiciens qu’il connaît.

Printemps : Régnier travaille à La Pécheresse avant de l’abandonner à nouveau et, selon ses Cahiers, hésite entre plusieurs projets dont aucun n’aboutit : des livres sur le XVIIIe siècle, sur Constantinople, des contes turcs…

30 juin : Mort de Jean Lorrain qui avait contribué à le lancer.

27 juillet – fin août ou début septembre : Deuxième croisière en Méditerranée, cette fois sur le Nirvana, le yacht de Martine de Béhague. Le comte Primoli et Tigre sont du voyage. Partis de Marseille, ils font escale à Naples et à Zante, puis gagnent la Turquie par le canal de Corinthe. Ils visitent Constantinople, Brousse, Bodrum et Smyrne, puis Rhodes, Beyrouth, Damas, la Grèce, Chypre et, par la côte adriatique (escales à Lépante, Raguse et Split), rejoignent Venise. Régnier, comme en 1904, consacre de nombreuses pages de ses Cahiers et de son livre Escales en Méditerranée à ce voyage.

Septembre : Leur croisière en Méditerranée s’achève par un cinquième séjour à Venise. Henri et Marie logent sur le Nirvana, où ils déjeunent un jour avec Bourget, et ne rentrent à Paris que le 27.

Début octobre : Court séjour dans la campagne de Montfort-l’Amaury. 9 décembre : Mort de Brunetière.

1907

Régnier publie son septième roman, La Peur de l’amour, et poursuit sa collaboration à la presse quotidienne. Dans Le Journal, ce sont des contes, dont les premiers ont paru en août 1906 et qui seront repris dans Couleur du temps (1909), et dans Le Gaulois, plutôt des essais critiques et des souvenirs de son dernier voyage en Orient. Les poèmes sont pour le Mercure et pour La Revue de Paris qui prépublie aussi pendant l’hiver, avec La Peur de l’amour, pour la quatrième fois un roman de Régnier. Henri élargit aussi son champ amical, s’entourant peu à peu d’une constellation de jeunes écrivains, le naissant « club des longues moustaches » : Jaloux et Vaudoyer bien sûr, mais aussi les deux frères Boulenger - Marcel (1873-1932), le romancier escrimeur, et Jacques (1879-1944), le chartiste - Francis de Miomandre (1880- 1959) et Augusto Gilbert-de-Voisins (1877-1939).

17 janvier : Barrès est reçu à l’Académie française par Melchior de Vogüé. L’éloge de Heredia est pour Régnier l’occasion d’un article d’hommage à son beau-père dont il tient à montrer, contre l’ironie de Barrès qui souligne son origine étrangère, les liens étroits qui l’unissent à la tradition française. L’article, paru dans Le Gaulois du 30 janvier sous le titre « En marge », sera recueilli dans Portraits et Souvenirs (1913).

Mars : Régnier rencontre Henry James et Edith Wharton chez Martine de Béhague qui élargit encore son horizon littéraire en l’introduisant en avril chez Charles Du Bos (1882-1939), rue de la Tour, à Passy.

Avril : Publication de La Peur de l’amour, le premier de ses romans à se situer pour une large part à Venise.

23 avril : La mort du romancier André Theuriet (1833-1907), qui libère un siège à l’Académie, incite Régnier à se porter candidat. Il multiplie dès lors les visites académiques.

Fin juin ou début juillet : Jaloux, qui correspond avec lui depuis onze ans mais qu’une maladie sans doute psychosomatique retenait à Marseille, rencontre enfin Régnier. Ils se croisent dans l’escalier de l’immeuble de Paul Adam, avenue du Trocadéro, puis Jaloux est invité à déjeuner rue de Magdebourg. C’est l’occasion pour lui de rencontrer Marie qui le fascinera toujours, mais dont il ne semble pas, contrairement à la légende, avoir été l’amant.

1er août – fin septembre : Troisième séjour à La Baule, villa Saint-Mars, où il ne se plaît guère et s’ennuie. Il écrit une première version de La Flambée, son huitième roman. Le 24 septembre, Marie et lui revoient Blanche Couronne. C’est l’occasion d’un long récit nostalgique dans les Cahiers.

6 septembre : Mort de Sully Prudhomme.

Octobre - novembre : Sixième séjour à Venise, au Palais Venier, dans la famille d’Isabelle de La Baume. Henri et Marie sont accompagnés de Jean-Louis Vaudoyer. Ils excursionnent à Padoue, Vicence, Vérone et Mantoue.

1908

L’année se situe sous le signe du théâtre. En mars, Régnier publie Les Scrupules de Sganarelle, « théâtre aux chandelles », qui ne sera représenté qu’en 1921. En mai, il succède à Émile Faguet (1847-1916) à la « Semaine dramatique » du Journal des Débats, une corvée dont il se plaint abondamment dans sa correspondance et qu’il abandonnera en avril 1911 à Henry Bidou (1873-1943) après 140 feuilletons. Sa contribution aux périodiques reste toujours ciblée : poésie pour les grandes revues (Revue de Paris, Revue des Deux Mondes), contes pour Le Journal, essais et témoignages pour Le Gaulois.

5 mars : Jean Richepin (1843-1926) est élu à l’Académie française au quatrième tour de scrutin au fauteuil d’André Theuriet par dix-huit voix contre huit à Edmond Haraucourt (1856-1941) et seulement six à Régnier.

15 avril – 15 mai : Henri, Marie et Tigre séjournent dans le midi, à Tamaris, dans la « banlieue toulonnaise », puis au Grand Hôtel d’Antibes, où les rejoint Vaudoyer. Depuis Marseille, Jaloux vient passer une journée avec eux à Antibes, resserrant encore davantage leurs liens d’amitié.

25 mai : Premier feuilleton dramatique au Journal des Débats. En préambule, Régnier rend hommage à son prédécesseur et rappelle ses timides essais de critique théâtrale parus dans La Vogue à l’époque de l’Exposition universelle de 1889 et dans les Entretiens en 1893.

2 juin : Chez la princesse de Polignac, avenue Henri-Martin, soirée Aubrey Beardsley conçue par les frères Ochsé. Julien, le poète (1876-1936) et Fernand, le décorateur de théâtre (1879- 1944), qui vivent dans leur riche famille à Neuilly, 46 rue de Villiers, deviennent de proches amis de Régnier.

Juillet : Régnier, accompagné de Marie, séjourne à Aix-en-Provence pour reconnaître les lieux où il veut situer l’action de La Pécheresse. Jaloux les rejoint en voisin et leur montre les sites qui lui sont chers à l’est d’Aix : la forêt de la Sainte-Baume, le Plan d’Aulps et le château du Tholonet, sur la « route Cézanne ».

2 août – 23 septembre : Quatrième séjour à La Baule, toujours villa Saint-Mars. Régnier reprend et achève « sans plaisir » La Flambée, ébauché l’été précédent. Il est entouré de sa famille proche au complet - Marie, Tigre, Thérèse, Isabelle et les Louis Metman - et d’amis de passage, comme Claire de Saint-Victor (1859-1943), qui tient à Paris un salon très fréquenté, et sa fille Paule (1884-1970).

Décembre : Marie souffre de violentes crises de rhumatismes qui la maintiennent alitée tout l’hiver. Jusqu’en mars, Vaudoyer et Gilbert-de-Voisins, simple amant de cœur, se relaient à son chevet.

1909

Régnier publie en janvier Couleur du temps, qui réunit au Trèfle blanc (1899) et à L’Amour et le Plaisir (1901), déjà édités en volume, les contes parus dans la presse depuis 1906 sous le titre « Contes pour les treize », et « Tiburce et ses amis », deux récits naguère confiés à La Revue blanche (1897) et à la troisième Vogue (1899). En décembre, paraît son huitième roman, La Flambée, cette éducation sentimentale sur laquelle il a peiné deux étés de suite à La Baule.

Janvier - février : Premier numéro du Divan, la revue d’Henri Martineau (1882-1958), médecin et poète, passionné de Stendhal et de Paul-Jean Toulet. Ce proche de l’Action Française, à l’égard de qui il tient à conserver sa « liberté critique », réunit dans les cahiers de sa revue de nombreux jeunes amis et admirateurs de Régnier, comme Jaloux, Vaudoyer, Émile Henriot (1889-1961) et Eugène Marsan (1882-1936). La première livraison s’ouvre sur des vers de Francis Jammes, indiquant ainsi la prédilection de la revue pour la poésie, notamment pour celle où « s’unissent harmonieusement la tradition française et la sensibilité moderne » (Michel Décaudin).

6 février : Banquet Saint-Pol-Roux à la taverne Gruber, boulevard Poissonnière, présidé par le poète parnassien Léon Dierx (1838-1912). Régnier collabore au comité d’organisation.

8 février : Mort accidentelle de Catulle Mendès (1841-1909).

6 mars : Proust publie dans Le Figaro son pastiche « L’Affaire Lemoine par Henri de Régnier ».

1er mai : Note très élogieuse de Gide sur Couleur du temps dans le n° 4 de La NRF.

11 mai : Dans son premier-Paris de L’Action française, intitulé « Les Barbares », Maurras éreinte rageusement Régnier « chez qui la pauvreté d’esprit passe encore le mauvais goût ».

12 mai : Conférence de Julien Ochsé sur Régnier au Théâtre des Arts, dont le texte est aussitôt publié dans Vers et Prose.

Juin : Régnier pose pour Leonetto Cappiello (1875-1942). Le portrait sera exposé au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts en avril 1910.

Juillet : Régnier rend visite aux Paul Adam à Montebise, près de La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne), puis de là rejoint le Pressoir, la propriété de Gabriel Hanotaux située à Pargnan, au sud de Laon (Aisne). Dans la petite église de Neuville, il découvre une trace de ses ancêtres paternels.

Début août – mi-septembre : Cinquième séjour à La Baule, villa Saint-Bernard.

Mi-septembre – 26 octobre : Voyage en Italie. Henri et Marie visitent Milan, Bergame, Brescia, le lac de Garde, Vérone et Mantoue, d’où ils rejoignent Venise pour un septième séjour. Ils logent à nouveau Casa Zuliani et sont accompagnés de Jean-Louis Vaudoyer, Claude Farrère (1876-1957) et Abel Bonnard (1883-1968). Sur le chemin du retour, ils s’arrêtent encore à Rimini, Bologne et Parme.

1er décembre : Régnier publie son poème autobiographique « La Rupture » dans le n° 11 de

La NRF. Ce sera son unique contribution à la revue de Gide.

18 décembre : Dans sa chronique de L’Opinion, « Les Romans de M. Henri de Régnier », Paul Souday (1869-1929) dénonce curieusement sa « cacographie », ses « turpitudes scatologiques » et son manque de lyrisme. Devenu le feuilletoniste du Temps (1912-1929), il exprimera en revanche toujours sa grande admiration devant les œuvres de Régnier.

31 décembre : Régnier est promu officier de la Légion d’honneur.

1910

Son treizième volume de vers, Le Miroir des heures, qui réunit l’ensemble de ses poèmes écrits de 1906 à 1910, est achevé d’imprimer le 16 avril. Pourtant, pour une raison que nous ignorons, le livre ne paraîtra pas avant début 1911. L’année est aussi marquée par sa nouvelle candidature à l’Académie française et, sur le plan intime, par la souffrance décisive que provoque l’adultère notoire de Marie avec le dramaturge Henry Bernstein (1876-1953).

Janvier : Vaudoyer rompt sa liaison avec Marie.

7 février : Régnier consacre son feuilleton à la crue spectaculaire de la Seine. Le même soir, a lieu la générale de Chantecler, d’Edmond Rostand, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, avec Lucien Guitry et Simone. Sa critique, parue dans les Débats du 14 février, est plutôt négative.

24 mars : Mort de Melchior de Vogüé. Régnier se porte candidat à sa succession au fauteuil 39.

30 mars : Mort de Jean Moréas, qui marque symboliquement la fin d’une époque marquée par leurs communs débuts littéraires.

22 mai : Mort de Jules Renard.

Juillet : Henri et Marie sont invités à dîner chez Bernstein. Elle devient vite son amant et affiche ostensiblement leur liaison. Dans les Cahiers la concision et la retenue, voire l’ellipse restent la règle.

Fin juillet – 23 septembre : Sixième séjour à La Baule, chalet Saint-Bernard. La situation n’est pas propice au travail, même si la visite de Jeanne Muhlfeld et la présence de Louis Metman l’égaient quelque peu. Marie souffre des reins, mais elle s’échappe souvent pour des rendez- vous avec Bernstein dans un hôtel de Saint-Nazaire.

30 août : Mort d’Albert Vandal (1853-1910), historien, membre de l’Académie et cousin de Régnier du côté maternel.

13 novembre : Régnier passe la journée près de Chantilly, au château de la Reine Blanche, à Coye-la-Forêt, où vit Marthe de Sauvignies, qu’il a rencontrée trois ans plus tôt et qu’il a revue fin octobre. Il la reverra souvent sans qu’on en sache beaucoup sur cette idylle. Elle épousera un industriel, Paul Barbier, le 17 janvier 1912, puis, après sa mort, Jean de Brancion.

23 novembre : « Il y a des choses qui ne s’écrivent pas » (Cahiers).

1911

Le Miroir des heures, enfin paru, constitue « à la fois un bilan et une interrogation : comment poursuivre ? » (Patrick Besnier). Entre l’héritage de Mallarmé et les formes poétiques nouvelles qui apparaissent, la place de Régnier est difficile à tenir. Aussi se tourne-t-il délibérément vers la prose, les contes réservés à la presse quotidienne (Excelsior, Le Journal) ou hebdomadaire (La Revue hebdomadaire) et le roman, comme cet Amphisbène qu’il dit ne pas aimer. L’année est aussi celle de son élection à l‘Académie.

7 février : Mort à Paris d’Isabelle de La Baume-Pluvinel. Régnier lui consacre un article dans

Le Gaulois du 21 juin 1912 sous le titre « Portrait d’amie ».

9 février : Régnier est élu à l’Académie au premier tour par dix-huit voix contre quatorze à Pierre de Nolhac (1859-1936), conservateur du château de Versailles, qui sera lui-même élu en 1922. Son élection provoque des réactions contrastées.

19 février : La création de la pièce de Bernstein, Après moi, à la Comédie-Française provoque de violentes manifestations antisémites orchestrées par l’Action française. Le dramaturge retire sa pièce le 3 mars.

3 avril : Régnier prend le thé chez Émile Henriot, fils de l’illustrateur du Charivari, poète, puis critique et romancier, avec Vaudoyer et Jacques Boulanger. Il deviendra l’un des proches de Régnier qu’il accompagne à Venise en 1913 et le benjamin du « club des longues moustaches ».

8 avril : Régnier prend le thé chez le jeune couple Farge, rue Édouard-Detaille (dix-septième arrondissement), avec Vaudoyer, Metman, Du Bos et Georges de Traz (1881-1980), un écrivain suisse qui signe François Fosca. Henri (1884-1970) est un peintre et graveur passionné par la verrerie de Murano, en relation avec le Musée des Arts décoratifs, et Madeleine (née en 1889) une « toute petite femme » qui nouera bientôt une amitié amoureuse avec Henri.

10 avril : Dernier feuilleton dramatique aux Débats, en partie consacré à l’adaptation scénique des Frères Karamazov par Jacques Copeau et Jean Croué au Théâtre des Arts. Il est l’occasion de la dernière lettre reçue de Gide qui remercie avec « émotion » Régnier de son éloge du travail de son ami Copeau.

16 avril – 31 mai : Marie séjourne à Antibes, tout près de Bernstein qui se trouve à Cannes.

23 avril – 19 mai : Huitième séjour à Venise. Henri loge Casa Zuliani sans Marie, mais avec Jaloux et les frères Ochsé. Régnier reste seul les dix derniers jours, flânant dans Venise. Il écrit « L’Acacia », une longue nouvelle publiée dans La Revue hebdomadaire, le 17 juin, et travaille à L’Amphisbène.

18 juillet : Marie est victime d’un accident domestique. Elle est gravement brûlée par la chute d’une lampe à pétrole qui met le feu à ses vêtements. Henri est « fou d’angoisse et de douleur ». La convalescence durera jusqu’à la mi-octobre.

19 juillet : Mort de Maurice Maindron. Les obsèques ont lieu le 21 à l’église Saint-Louis-en- l’Ile.

16 septembre : La famille Régnier s’installe 24 rue Boissière.

12 décembre : Début de la publication en feuilleton de L’Amphisbène dans Paris-Journal, son unique collaboration à ce quotidien. Il juge ce roman « bien incohérent et bien confus ».

1912

L’année est riche en publications. En mars, c’est L’Amphisbène, son neuvième roman, l’un des trois à la première personne. En juin, ce sont les Contes de France et d’Italie (Crès), qui réunit quatorze récits publiés dans la presse depuis 1910. Paraissent aussi trois volumes plus courts, partiellement inédits, dont deux sur Venise - Images vénitiennes, édition augmentée des Esquisses de 1906 avec des photographies, et Venise, brève anthologie de vers et de proses illustrée de trente-cinq eaux-fortes - et des souvenirs de voyages et de paysages, Pour les mois d’hiver (Dorbon aîné). Régnier partage sa contribution à la presse quotidienne entre Excelsior pour les contes et Le Gaulois pour les essais critiques et les souvenirs de voyage. Il séjourne deux fois à Venise, au printemps et en automne, tandis que Marie file sa passion sexuelle avec Bernstein.

18 janvier : Henri est reçu à l’Académie. Dans sa réponse aussi malveillante que méprisante, Albert de Mun (1841-1914) discrédite le mouvement symboliste que Régnier représente sous la Coupole et dénonce le libertinage de ses romans.

4 février : Mort de Pierre Quillard. Georges Duhamel lui succède à la chronique poétique du

Mercure.

15 février : Dans la revue bruxelloise La Vie intellectuelle, Jaloux publie son grand article sur Régnier dont une première version incomplète avait paru dans Les Gerbes en 1905.

27 avril : Marie part pour Antibes, puis passe une quinzaine de jours à Rome avec Bernstein.

10 mai – 4 juin : Neuvième séjour à Venise, le second sans Marie. Il loge pour la quatrième fois Casa Zuliani et se promène souvent dans Venise avec les couples Farge et Photiadès.

9 juin : Pose d’une plaque de marbre sur l’immeuble 89 rue de Rome. Régnier prononce un discours, publié dans Vers et Prose, puis évoque la mémoire du poète dans un article des Débats, « Choses d’hier et de jadis » (14 juillet), recueilli sous le titre « À propos de Mallarmé » dans Portraits et Souvenirs (1913).

9 août – début septembre : Séjour de Marie et Tigre à Saint-Cergue, dans le canton de Vaud, Hôtel de l’Observatoire. Régnier les rejoint le 27 pour une semaine. Ils rencontrent Bergson. Marie fait ensuite une cure à Évian, tandis qu’Henri rentre à Paris.

5 septembre : Mariage d’Hélène avec René Doumic (1860-1937).

10-29 octobre : Dixième séjour à Venise, le troisième sans Marie. Il loge à l’Hôtel Vittoria. Il est accompagné de Jaloux, Vaudoyer et Madeleine Farge. Avant d’arriver, Henri et Jaloux passent une journée à Vicence qui lui inspirera certaines pages de L’Illusion héroïque de Tito Bassi.

7 Décembre : Henri, est introduit par Vaudoyer et Metman dans l’atelier de Georges Barbier (1882-1932), 31 rue Campagne-Première. Barbier illustrera cinq de ses livres.

1913

Régnier peine sur son nouveau roman, Romaine Mirmault, commencé dans la douleur et l’ennui au printemps 1912. Les livres qu’il publie en 1913 sont des reprises de textes déjà connus. En avril, Portraits et Souvenirs rassemble des essais critiques parus dans la presse de 1906 à 1912 et Pour les mois d’hiver. En octobre, Le Plateau de laque complète les Contes de France et d’Italie avec neuf récits déjà parus dans Excelsior et, pour l’un d’eux, dans le supplément littéraire du Figaro. Enfin le Mercure publie, dans un ordre étrange, le premier des sept volumes de ses Œuvres, qui réunit Les Médailles d’argile et La Cité des eaux. Il contribue toujours, de temps à autre, à Excelsior et au Gaulois, et le temps se passe sans grand profit pour l’œuvre en sorties mondaines. Marie, de son côté, rompt avec Bernstein et séduit de plus jeunes, Henriot, puis Paul Drouot (1886-1915) pour de brèves liaisons.

Février : Louise, dont les relations avec Louÿs sont devenues exécrables, souffre de tuberculose. Elle séjourne à Arcachon, villa Navarra, jusqu’en avril.

9 avril : Régnier assiste à la représentation générale de La Brebis égarée, de Francis Jammes, au Théâtre de l’Œuvre. C’est sa deuxième rencontre avec Jammes, la première ayant eu lieu à son mariage, dix-huit ans plus tôt. Pendant l’entracte, il croise par hasard Vielé-Griffin qu’il n’avait pas revu depuis leur rupture.

20 juillet - 2 septembre : Marie et Tigre séjournent à Chamonix, puis à Stresa, sur le lac Majeur. Régnier reste à Paris travailler à Romaine Mirmault, qu’il achève le 27 août et juge « médiocre et mal venu ». Début août, il s’échappe trois jours à Jouy-en-Josas auprès de Vaudoyer et de Madeleine Farge.

30 juillet : Divorce prononcé entre Louÿs et Louise.

5 septembre : Régnier rejoint Marie et Tigre à Arcachon pour un séjour de deux semaines.

Octobre – 18 novembre : Onzième séjour à Venise. Henri et Marie logent au Palais Vendramin ai Carmini. Ils sont accompagnés de Jaloux, Vaudoyer, les frères Ochsé et Émile Henriot dont c’est le premier séjour.

Fin novembre : Marie et sa mère sont à Arcachon auprès de Louise toujours convalescente. De son côté, Régnier pose pour son buste chez Louise Ochsé (1884-1944), l’épouse de Julien.

Décembre : Marie devient la maîtresse de Gabriel D’Annunzio, qu’elle retrouve villa Saint- Dominique, au Moulleau, quartier sud-ouest d’Arcachon. Régnier lit Du côté de chez Swann.

1914

En avril de cette année tragique, Régnier publie le second volume de ses Œuvres qui réunit La Sandale ailée et Le Miroir des heures et, en juin, son dixième roman, Romaine Mirmault. Paraît aussi sa première collaboration avec Barbier, Modes et Manières d’aujourd’hui, ouvrage tiré à trois cents exemplaires. Sa contribution aux périodiques se partage en deux séries différentes, l’une fictionnelle, l’autre ancrée dans le réel. Au premier semestre, Romaine Mirmault et son « conte sur Vicence », L’Illusion héroïque de Tito Bassi, écrit très vite, paraissent en pré-originales, le premier au Journal, le second à La Revue de Paris. Au second semestre, ce sont des essais de circonstance et des poèmes patriotiques réservés à Excelsior et au Gaulois.

4 janvier : Régnier assiste à la création française de Parsifal à l’Opéra de Paris.

11 mars – 2 avril : Marie séjourne à Arcachon auprès de Louise et de D’Annunzio. Régnier voit souvent Madeleine Farge et Marthe Barbier.

16 mars : Assassinat de Gaston Calmette, le directeur du Figaro, par Mme Caillaux, alors que Régnier se trouve par hasard dans l’antichambre.

11 juin : Régnier devient directeur littéraire du Journal. Il le restera trois ans et demi. 28 juin : Attentat de Sarajevo.

1er juillet : Régnier revoit Edith Wharton qu’il a rencontrée en 1907. 1er août : Le gouvernement français déclare la mobilisation générale. 3 août : L’Allemagne déclare la guerre à la France.

5 août : Mort de Jules Lemaître, l’un des parrains de Régnier à l’Académie.

21-23 août : La défaite de Charleroi ébranle Régnier déjà très affecté par la déclaration de guerre qu’il ressent comme la fin d’un monde.

Fin août : Marie, Tigre, Louise et Mme de Heredia se réfugient à Arcachon villa Maïtea. Isabelle et Thérèse les rejoignent sans doute assez vite.

Septembre : Régnier passe le mois auprès de sa famille à Arcachon dans l’ennui et l’angoisse. Il s’inquiète notamment pour ses amis mobilisés et leurs femmes dont il n’a plus de nouvelles régulières. De retour à Paris, son travail au Journal l’apaise. Marie sert comme aide- infirmière au dispensaire installé au Grand Hôtel d’Arcachon, mais elle ne tient pas plus de trois mois.

1915

Pendant les années de guerre, Régnier tourne un peu à vide. Il écrit peu dans ses Cahiers, mais ses lettres à Jaloux et Vaudoyer sont une source très riche d’informations sur son état d’esprit et ses activités. En 1915, il publie de nombreux articles et vers de circonstances dans Excelsior, dont certains sont repris dans Les Annales politiques et littéraires, de périodicité hebdomadaire. La bataille des Dardanelles, commencée le 18 mars et appelée à durer jusqu’au 9 janvier 1916, lui rappelle ses voyages de 1904 et 1906 et la situation de Venise menacée le confirme dans la conviction que le monde qu’il a connu va disparaître. Le sort de ses amis dispersés lui fournit une autre source d’angoisse. Heureusement il voit souvent Madeleine Farge, infirmière à la Croix-Rouge, dont il est amoureux, et Marthe Barbier. Il assiste à toutes les séances de L’Académie, mais ne parvient pas à travailler sérieusement.

17 janvier : Mort du jeune poète Émile Despax (1881-1915), tué au front sur le Chemin des Dames.

Mars : Régnier écrit à Jaloux qu’il s’est brouillé avec Jeanne Muhlfeld, dont il ne supporte plus les ragots et les calomnies.

1er avril : Régnier publie un article très hostile aux échanges intellectuels franco-allemands depuis un demi-siècle dans le numéro de reprise du Mercure.

9 juin : La mort de Paul Drouot devant Notre-Dame de Lorette (Pas-de-Calais) affecte fortement Henri et Marie. Il lui consacrera deux articles, l’un dans Excelsior (2 juillet), l’autre dans Le Divan (juillet 1925) et préfacera son livre posthume Eurydice deux fois perdue (1921).

19 juin : À Arcachon Louise épouse civilement et par procuration Gilbert-de-Voisins, alors hospitalisé à la suite d’une blessure au combat. Le marié est représenté par ses amis marseillais Edmond Jaloux et le compositeur Fernand Drogoul.

27 septembre : Mort de Remy de Gourmont.

25 octobre : Mort de Paul Hervieu, l’un des parrains de Régnier à l’Académie.

1916

L’année serait similaire à la précédente s’il ne publiait son onzième roman, L’Illusion héroïque de Tito Bassi, le « conte sur Vicence » écrit au printemps 1914, qui marque son retour au récit « costumé ». Mais il ne parvient toujours pas à se consacrer à une œuvre, avouant même dans ses Carnets « avoir perdu le goût du vrai travail, du travail créateur qui enrichit l’esprit et ne l’épuise pas ».

Janvier : René Doumic, beau-frère de Régnier, devient directeur de la Revue des Deux Mondes, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort en 1937.

3 avril : Jaloux, infirmier anesthésiste dans une ambulance de Marseille, est affecté à la Maison de la Presse, rue François Ier, à Paris, mais le durcissement des lois militaires le ramène dans un dépôt en décembre. Il ne réintégrera définitivement la Maison de la Presse que le 12 avril 1917.

8 septembre : Tigre s’engage, avec pour marraine de guerre l’actrice Musidora (1889-1957), et suit une formation militaire à l’école d’artillerie de Fontainebleau. Mais atteint dès novembre de pleuropneumonie, il part en convalescence à Pau où Marie le rejoindra.

Novembre : Régnier est élu au dîner Bixio créé en 1856 par Jacques Bixio (1808-1865), l’un des fondateurs de la Revue des Deux Mondes. Le dîner réunit vingt participants chaque premier vendredi du mois.

27 novembre : Mort d’Émile Verhaeren, écrasé par un train en gare de Rouen. Régnier lui rend hommage dans le Mercure du 1er janvier 1917.

5 décembre : Mariage de Jaloux avec Germaine Koïré, dite Donatella, à l’église Saint-Roch et à la mairie du 1er arrondissement. Régnier est l’un de ses témoins.

1917

Régnier, même s’il écrit avoir « perdu l’habitude de ces notes journalières », montre davantage d’assiduité dans ces Cahiers. Il renoue avec une poésie où l’engagement patriotique s’amenuise, publie un choix de 24 Odelettes chez Payot et travaille à ses futures Histoires incertaines. Il rencontre aussi Madeleine Tremblot (née Anne Bougenaux en 1894), la belle-sœur du futur conservateur de la bibliothèque de l’Institut, avec laquelle il partagera promenades et voyages. Il relit les moralistes : Chamfort, Rivarol.

25 janvier : Régnier reçoit l’historien Pierre de La Gorce (1846-1934) à l’Académie, où il a été élu en 1914.

16 février : Mort d’Octave Mirbeau.

Mars : Régnier, grippé, garde la chambre quelques jours au début du mois. Le 1er mars, La Revue de Paris publie une première série de poèmes qui figurera dans Vestigia Flammae.

14 avril – 20 Mai : Marie loue la villa Les Cigales, avenue de Trespoëy, à Pau, pour être auprès de Tigre. Le 17 mai, ils reçoivent la visite de Jammes, venu en voisin.

3 mai : Lecture de La Jeune Parque : « Valéry, c’est un fruit sec… en or ».

21 juin : Francis Jammes, dont Régnier a proposé le nom, reçoit le Grand Prix de littérature de l’Académie française. Ce succès l’incite à se porter candidat, mais il échouera à deux reprises, face à Joseph Bédier (1920), puis à Albert Besnard (1924), malgré le soutien de Régnier.

7-15 juillet : Séjour d’Henri à La Bourboule où Tigre poursuit sa convalescence. Marie lui succède auprès de leur fils.

Août : Régnier travaille à une préface pour Les Fleurs du mal dont l’édition ne verra le jour qu’en 1930.

Octobre : Recherches généalogiques à la Bibliothèque Nationale.

15 novembre – 15 décembre : Publication de « L’Entrevue » dans La Revue de Paris.

25 décembre : Régnier quitte ses fonctions de directeur littéraire du Journal : « Je reprends ma plume d’écrivain et je rentre dans ma vraie vie ».

26 décembre : Mort de Judith Gautier.

1918

En août, comme un signe avant-coureur de la victoire et de la fin du conflit, Régnier réunit ses poèmes de guerre sous le titre 1914-1916. Il continue aussi à travailler aux poèmes destinés à son futur recueil Vestigia Flammae. Sur le plan éditorial, il accepte de diriger chez Albin Michel la collection « Le Roman littéraire » (1918-1925), qui s’engage à ne publier qu’un seul livre d’un même auteur. Elle réunira plusieurs de ses amis proches : René Boylesve (1867-1926), Miomandre, Jaloux, Vaudoyer, Henriot, mais aussi Francis Carco (L’Homme traqué) et Pierre Benoit (L’Atlantide). Régnier lui-même lui donnera Le Divertissement provincial (1925), seule infidélité au Mercure dans le domaine du roman. Ses rencontres féminines sont nombreuses : après Marthe Barbier, Madeleine Farge, Madeleine Tremblot, qu’il voit régulièrement, voici Madeleine Reclus.

Janvier – février : Marie, entrée fin décembre à la clinique Valmont du docteur Henri Widmer située au-dessus de Montreux, soigne son épuisement par une « cure d’air et de repos » et se remet des suites d’une péritonite. Henri la rejoint du 5 au 20 février.

14 janvier : Régnier achève la rédaction du « Pavillon fermé », dont il avait déjà annoncé la fin dans ses Cahiers le 12 septembre 1917. Il est publié dans la Revue des Deux Mondes du 1er juin.

3 mars – 20 mai : À l’instigation de Fénéon, Régnier écrit trente-six poèmes sur des peintres modernes et quatre sonnets sur des objets d’art ancien, dont beaucoup seront publiés sous le titre « Médaillons de peintres » dans la Revue des Deux Mondes du 1er décembre, puis dans Vestigia Flammae.

25 mars : Mort de Claude Debussy.

30 mai : Marie reçoit le Grand Prix de littérature de l’Académie française.

Juin - septembre : Atteint de la grippe espagnole, Tigre est hospitalisé au Val-de-Grâce, puis, réformé, il achève sa convalescence à Arcachon.

Août : Régnier séjourne à Cauterets pour une cure, puis au château d’Orion chez son amie Madeleine Reclus, dont la famille est très liée à Francis Jammes, mais qu’il connaît par Mme Bulteau. Il en profite pour rendre visite à Jammes à Orthez où il passe une nuit dans la vieille maison des Reclus. Il racontera deux fois cette rencontre, d’abord dans ses Cahiers, puis, bien plus tard, dans la Revue des Deux Mondes (1er novembre 1933). Régnier reverra souvent à Paris Madeleine Reclus, qui vit rue Bonaparte.

Septembre – octobre : Régnier souffre d’une forme légère de la grippe espagnole et reste alité six semaines. Sa première sortie a lieu le 25 octobre.

9 novembre : Mort de Guillaume Apollinaire, victime de la grippe espagnole. 11 novembre : Régnier note sobrement « Armistice » dans ses Cahiers.

2 décembre : Mort d’Edmond Rostand.

18 décembre : Henri est le parrain d’Aline, la fille de Paul et Madeleine Farge, dont le baptême est célébré à l’église Sainte-Clotilde.

1919

Régnier parvient enfin à mener à bien La Pécheresse que le Mercure publie en cinq livraisons à partir du 15 décembre. Ce même mois, paraissent les Histoires incertaines, dont la troisième nouvelle, « Marceline ou la punition fantastique », paraît dans la Revue des Deux Mondes du 1er mai. Il reprend aussi l’habitude abandonnée depuis 1914 de publier des contes dans la presse quotidienne, les réservant désormais plutôt au Petit Parisien.

22 janvier : Chez Odette Hubin, la maîtresse de Marcel Boulanger, qu’il connaît, à en croire ses Cahiers, au moins depuis 1912, Régnier rencontre Marie-Louise Bousquet (1870-1970), dont le salon, 40 rue Boissière, accueille de nombreux écrivains. Elle deviendra la correspondante parisienne de la revue américaine Harper’s Bazaar (1937).

8 février – 23 mai : Régnier écrit enfin La Pécheresse, son roman sur Aix et les galères, après plus de quinze ans d’efforts et de repentirs.

19 mars : Mort de Paul Barbier, le mari de Marthe.

20 mars : Régnier reçoit René Boylesve à l’Académie française.

Août : Séjours de Marie et de Tigre à Chamonix, puis au Mont-Dore et à La Bourboule.

15 août – 27 septembre : Régnier passe à quatre reprises plusieurs jours au manoir de Vardes, à Neuf-Marché (actuelle Seine-Maritime) auprès de Marthe Barbier.

16-25 octobre : Régnier voyage dans le sud-ouest. Après une journée à Bordeaux, il séjourne à Salies-de-Béarn, à Sauveterre et au manoir de Bétouzet (Lantouzet dans « L’Escalade », conte recueilli dans Les Bonheurs perdus) et déjeune au château d’Orion. Nous ignorons s’il en profite pour revoir Jammes.

1920

Régnier accepte de tenir le feuilleton du Figaro où il succède à Abel Hermant le 30 mai. À la fin du printemps, il publie enfin son douzième roman, La Pécheresse, l’édition définitive de ses Esquisses vénitiennes et, au long de l’année, une dizaine de contes dans la presse quotidienne. Mais il est peu assidu à ses Cahiers.

2 janvier : Mort à Paris de Paul Adam. Il venait d’avoir 57 ans et c’était le plus vieil ami de la jeunesse de Régnier, qui lui consacrera un article dans Les Nouvelles littéraires du 21 juin 1930, repris ensuite dans Nos rencontres (1931).

19-22 janvier : Régnier est à Bruxelles où il participe au nom de l’Académie à l’hommage rendu à Verhaeren.

20 mai : Jaloux reçoit le Grand Prix de littérature de l’Académie française.

27 mai : Régnier reçoit le romancier Henry Bordeaux (1870-1963) à l’Académie française.

30 mai : Premier feuilleton du Figaro. Il y en aura 824 jusqu’au 23 mai 1936, le jour même de sa mort.

Août : Marie et Tigre séjournent à La Bourboule. Régnier, resté seul à Paris, rend plusieurs visites à Marthe Barbier dans son manoir de Vardes, comme l’été précédent.

15 septembre : Marie part pour un séjour de six semaines à Saint-Jean-de-Luz.

14 octobre : Régnier est avec Augustine Bulteau le témoin de mariage de Vaudoyer qui épouse Frédérique Weber à l’église de l’Étoile.

Automne : Il commence à fréquenter assidument Marie-Louise Bousquet, avec qui il échangera une très abondante correspondance, sans cesser de voir ses autres amies.

1921

Régnier publie en juillet son quinzième recueil de vers au titre désenchanté, Vestigia Flammae, qui constitue son premier bilan poétique depuis Le Miroir des heures (1911). Il travaille à son nouveau roman, Le Divertissement provincial, qui évoque entre autres le souvenir de Paray-le-Monial.

16 février : Représentation générale des Scrupules de Sganarelle à la Maison de l’Œuvre, 55 rue de Clichy, mise en scène de Lugné-Poe, avec Lucile Nycot en Don Juan et Jacques Baumer en Sganarelle. La première a lieu le lendemain.

23 mai : Régnier est avec Boylesve le témoin de mariage d’Émile Henriot qui épouse Germaine Gounod, la petite-fille du compositeur, à l’église de Saint-Cloud.

Été : Régnier passe son été à Paris, d’où il s’échappe à peine pour Chantilly ou Jouy-en-Josas. Fin octobre : Régnier passe quatre jours seul à Versailles à l’hôtel des Réservoirs.

15 novembre : Henri publie « Les Trois fils de Madame de Chasans », un épisode de l’histoire de sa famille maternelle, dans La Revue de Paris. Le texte sera édité chez Champion dans la collection « Les Amis d’Édouard » (1923), puis recueilli dans Proses datées (1925).

11 décembre : Mort à Menton de Robert de Montesquiou.

1922

Régnier ne publie aucun livre nouveau en 1922 et souffre d’une santé précaire. Marie devient la maîtresse de leur vieil ami André Chaumeix (1874-1955), normalien et journaliste, directeur de La Revue de Paris (1920) et rédacteur en chef du Figaro (1926) avant de succéder à Doumic à la Revue des Deux Mondes (1937), élu à l’Académie en 1930.

Juin : Régnier juge « indispensable » de doter Tigre, totalement immature, d’un conseil judiciaire.

16 août – 16 septembre : Henri suit une cure dans la station thermale de Saint-Christau, dans le Béarn. Puis il séjourne quelques jours dans la région, notamment à Bayonne.

29 septembre : Mort d’Augustine Bulteau d’une hémorragie cérébrale. Régnier consacre à son amie Toche un premier-Paris du Figaro le 3 octobre.

Automne : Nombreuses promenades à Versailles.

21 octobre : Fondation de l’hebdomadaire Les Nouvelles littéraires, dirigé par Jacques Guenne et Maurice Martin du Gard, dont le feuilleton sera assuré par Jaloux à partir du 8 décembre 1923. Régnier y collaborera de temps à autre, notamment avec la série irrégulière de portraits intitulée « Faces et Profils » (1929-1936).

18 novembre : Mort de Marcel Proust.

1923

Régnier ne parvient à mener à bien aucun travail durable, ni Le Divertissement provincial, qu’il semble remettre à plus tard, ni L’Escapade dont il rédige cependant le premier chapitre. Il publie seulement des plaquettes à tirage limité et le troisième volume de ses Œuvres qui reprend Les Jeux rustiques et divins. Le temps semble se perdre en sorties. Entre 1923 et 1928, il délaisse même peu à peu ses Cahiers jusqu’à les abandonner durant toute l’année 1925. Il commence à collaborer à La Revue de France, éditée à la Renaissance du livre, avec des articles de critique dont certains seront recueillis dans Proses datées (1925) et dans Vues (1926).

16 avril : Régnier note dans ses Cahiers avoir écrit « près de 900 vers » en un mois. Quelques-uns paraîtront dans la Revue des Deux Mondes, avant d’être recueillis dans Flamma Tenax (1928).

10 juin : Mort à Hendaye de Pierre Loti. Régnier publie des « Souvenirs sur Pierre Loti » dans Le Figaro du 24 octobre et Marie un « Adieu, Loti ! » dès le 1er juillet dans La Revue de Paris, où elle rappelle leur rencontre de Constantinople en 1904.

20 août – 14 septembre : Seconde cure à Saint-Christau, suivie d’un nouveau séjour à Bayonne jusqu’au 22.

4 décembre : Mort à Neuilly de Maurice Barrès, à 61 ans.

1924

Régnier réunit en février dix-sept contes publiés dans la presse depuis 1920 sous le titre Les Bonheurs perdus, puis une série de poèmes en prose, vingt-trois Scènes mythologiques, suivies de douze Petites Fables modernes. Il poursuit aussi la publication de ses Œuvres dont le tome 4 rassemble ses cinq premiers recueils. L’éditeur Mornay, enfin, publie le premier des quatre romans illustrés par Georges Barbier, La Pécheresse.

2 février : Jammes donne une conférence à Paris sur « Ronsard, poète de la nature » à l’occasion du quatrième centenaire de sa naissance. Il débute par un hommage à Régnier, « un maître digne du maître », qu’il retrouve ensuite rue du Bac chez son ami Charles Dupuis, de l’Académie des sciences morales et politiques. Le 6, Jammes est invité à déjeuner chez Henri et Marie avec André Chaumeix et l’abbé Mugnier.

12 mars : À l’occasion de sa recension des Jugements d’Henri Massis dans Le Figaro, Régnier redit sans nuance sa rancune envers Gide : « J’ai honte d’avouer que j’ai peine à m’intéresser à l’œuvre et à la personnalité de M. André Gide ».

9 mai : À l’occasion de la pose d’une plaque commémorative sur la façade de l’immeuble 71 rue des Saints-Pères, où vécut Gourmont, Régnier lui consacre un sonnet lu par Firmin Gémier.

21 juin : Mort de Thérèse de Régnier, la mère d’Henri. Elle avait eu 88 ans le 8 janvier.

5 octobre – 5 novembre : Douzième et dernier séjour à Venise. Henri et Marie logent à l’Hôtel Regina.

28 décembre : Pour ses 60 ans, Régnier passe la journée avec Anne (Madeleine Tremblot) en terre nervalienne à Chantilly, Senlis et Chaalis.

1925

Dans cette année où ses Cahiers sont en jachère, Régnier publie des livres fragmentaires : en mars un quatrième recueil d’essais (critique, souvenirs, voyages) dont le plus ancien remonte à 1902, Proses datées, et en juin Choses et autres, par-ci, par-là, reproduction phototypique à 150 exemplaires de pensées tirées de ses Cahiers. Il réunit aussi le cinquième volume de ses Œuvres contenant ses deux grands recueils symbolistes, Poèmes anciens et romanesques et Tel qu’en songe. Son seul livre vraiment nouveau est Le Divertissement provincial, son treizième roman, prépublié comme cinq autres avant lui en livraisons dans La Revue de Paris. La santé de Régnier reste précaire et les dettes de jeu de Tigre le contraignent à multiplier les rééditions illustrées de ses livres.

Avril : Pour financer son voyage au Congo, Gide met en vente 405 livres de sa bibliothèque, dont 47 de Régnier, éditions originales avec envois d’auteur.

4 juin : Mort de Pierre Louÿs. Le 19, Louise et Gilbert-de-Voisins se marient religieusement à l’église Notre-Dame de l’Assomption. Par la suite, Marie est victime d’un chantage de la part de Georges Serrières, l’ancien secrétaire de Louÿs, qui menace de divulguer contre un million de francs des documents compromettants.

Juillet : Henri et Marie collaborent au numéro du Divan consacré à la mémoire de Paul Drouot.

Août : Régnier travaille à L’Escapade, commencé en 1923.

Octobre – novembre : Régnier est à Beaucens, dans les Hautes-Pyrénées, pour sa cure annuelle. Au retour, il s’arrête quelques jours à Arcachon.

17 octobre : Inauguration du buste de Heredia, œuvre en marbre et en bronze de Victor Ségoffin (1867-1925), monument élevé à la mémoire du poète dans le jardin du Luxembourg. Henri étant absent, le discours au nom de l’Académie est prononcé par Jean Richepin.

19 novembre : Valéry est élu à l’Académie au fauteuil d’Anatole France au quatrième tour par 17 voix contre 14 à Léon Bérard et un bulletin blanc.

1926

Régnier publie en janvier Paray-le-Monial, n° 1 de la collection « Portrait de la France » dirigée chez Émile-Paul par Jean-Louis Vaudoyer, en février un recueil de dix contes inédits en volume, Contes pour chacun de nous (Lapina), en juin L’Escapade, son quatorzième roman, le sixième « costumé », et en août Vues aux « Soirées du Divan » qui réunit sept essais récents de souvenirs et de critique. À ce bilan, s’ajoutent le conte Le Veuvage de Schéhérazade publié à Liège à un petit nombre d’exemplaires et le contingent annuel des rééditions illustrées.

14 janvier : Mort de René Boylesve.

9 avril : Après près de deux ans d’interruption, Régnier reprend ses Cahiers et les abandonne à nouveau au bout d’une dizaine de jours.

4 août : Régnier commence enfin à écrire L’Altana, ses mémoires de la vie vénitienne.

4 septembre : Le feuilleton de Jaloux dans Les Nouvelles littéraires, consacré à L’Escapade, est pour Régnier l’occasion de préciser dans une lettre du 8 sa lecture du dix-huitième siècle :

« La perruque poudrée y aboutit logiquement au bonnet rouge, de là l’épilogue révolutionnaire du roman ».

12 décembre : Mort de Jean Richepin.

22 décembre : Mort de Geneviève Straus, née Halévy et épouse en premières noces de Georges Bizet, dont le salon réunissait l’avant-garde littéraire à la Belle Époque et accueillait notamment Proust qui fait d’elle l’un des modèles d’Oriane de Guermantes.

1927

Régnier, qui a rouvert ses Cahiers dans les derniers jours de décembre 1926 les abandonne au bout d’un mois et, malgré quelques velléités de reprise en avril, semble cesser de s’y intéresser. Il publie chez Simon Kra son livre d’aphorismes, Donc, et une édition illustrée de seize sonnets, intitulée Le Miracle du fil, tirée à 350 exemplaires. Mais la grande affaire de cette année est l’achèvement de L’Altana, sur lequel il travaille sporadiquement depuis plus de vingt ans.

10 janvier : Dîner rue Borghèse à Neuilly chez André Maurois dont la femme, née Simone de Caillavet, inaugure son salon. Régnier lui consacre en tout seize articles dans son feuilleton du Figaro.

3 avril : Régnier achève la rédaction de L’Altana, dont de larges extraits paraissent dans la

Revue des Deux Mondes entre le 15 juillet et le 15 novembre. 13 juin : Mort à Rome du comte Primoli.

23 juin : Valéry est reçu à l’Académie française par Gabriel Hanotaux. Régnier est l’un de ses deux parrains.

30 juillet : Mort à Vittel de Robert de Flers, à 54 ans. Marie lui succède le 26 septembre à la chronique dramatique du Figaro.

27 septembre : Nouvel article très vindicatif à l’égard de Gide dans Le Figaro à l’occasion de sa recension de l’étude que lui consacre Paul Souday.

Décembre : Louise et Augusto Gilbert-de-Voisins achètent la villa Bellevue à Arcachon, qu’ils rebaptisent « La Sympathie » en souvenir de la plantation familiale de Cuba.

1928

En février, paraît enfin en deux volumes L’Altana ou la vie vénitienne, qui constitue la mémoire de ses douze séjours passés dans la Sérénissime : « ce sont des essais sur Venise autant que des notes de voyage, et aussi des exercices de style » (Patrick Besnier). En mai, Flamma Tenax, son seizième et dernier recueil de vers, dont le titre suggère un nouvel élan, est dédié à Ronsard, Hugo et Baudelaire et réunit l’ensemble des poèmes écrits entre 1922 et 1928. Un petit volume publié chez Simon Kra rassemble quelques pensées sous le titre Lui ou les femmes et l’amour. Régnier, qui a repris ses Cahiers le jour de ses 63 ans, ne parvient pas davantage à s’y astreindre que les années précédentes. Les soucis d’argent semblent perdurer, car il continue à multiplier les éditions illustrées de ses œuvres.

Février : Mort de son cousin Charles Metman, l’un des deux frères de Louis. 28 avril : Mort de Mme de Heredia.

31 mai : Vaudoyer reçoit à son tour le Grand Prix de littérature de l’Académie française.

Novembre : Régnier passe une quinzaine de jours en Bourgogne, au château de Flammarens, puis à Beaune et à Dijon, où il fréquente assidument les archives.

1929

Régnier publie plusieurs recueils fragmentaires, parfois à tirage limité : en juin Jeux de plume (Cahiers libres), plaquette de quatre essais brefs d’époques diverses (1903-1925), en octobre Lui ou les femmes et l’amour, réuni à Donc et, plus curieusement, à Paray-le-Monial, et en novembre le sixième volume de ses Œuvres avec Vestigia Flammae et 1914-1916. À ces trois livres, s’ajoutent deux ouvrages d’histoire littéraire sur des sujets qui le passionnent - Casanova chez Voltaire (Plon) et le Supplément aux lettres d’Italie du Président de Brosses (Trianon) – et le contingent habituel d’éditions illustrées de ses œuvres anciennes, ou nouvelles, comme cette Initiation vénitienne à la Société des amis du livre. Son activité d’écriture se montre plus dense. Il a repris, par rituel, ses Cahiers le jour de son anniversaire, mais, cette fois, il s’y tient avec une assiduité oubliée depuis près de dix ans. Il contribue aussi davantage au Figaro avec un « Billet de minuit » irrégulier et aux Nouvelles littéraires en débutant sa série « Faces et Profils ».

13-14 janvier : Régnier travaille à une nouvelle, « Le Vrai Bonheur ou les Amants de Stresa », qui sera publiée en plaquette aux Horizons de France, puis au Mercure avec Le Voyage d’amour en 1930.

23 janvier : Mort de Maxime Dethomas.

25 mars : Premier « Billet de minuit » dans Le Figaro, consacré à Foch et Hugo, après la mort du vainqueur de la Grande Guerre survenue le 20.

20 juin : Malgré le soutien de Régnier, Jaloux n’est pas élu à l’Académie où il se présentait au fauteuil du dramaturge François de Curel.

10 juillet : Fondation de la Société des amis de Marcel Proust dont Régnier est le président. Août : Seul à Paris, Régnier travaille à une préface pour Les Destinées, d’Alfred de Vigny.

5 septembre – 16 octobre : Séjour au Pailly et à Cessy, dans le pays de Gex (Ain), non loin de Genève.

16–24 octobre : Séjour à Dijon. Régnier rencontre Pétain, candidat à l’Académie, puis se rend au chevet de son collègue, le romancier Édouard Estaunié (1862-1942), alors très souffrant. Le libraire Viénot l’emmène en voiture pour une excursion sur les traces de sa famille maternelle : ils passent à Gevrey, Chasans, Curley, Létang-Vergy, Ternant et Semezanges.

Novembre : Régnier lit les Cahiers de Barrès dont le premier tome vient de paraître :

« Pourquoi publier ces paperasses, ces matériaux, ces rognures d’un écrivain qui, dans ses quarante volumes, a dit tout ce qu’il avait à dire ? » Et il ajoute : « Moi aussi, j’ai mes Cahiers, mais on ne les publiera pas ».

24 novembre : Mort de Clemenceau.

21 décembre : Régnier inaugure ses « Faces et Profils » des Nouvelles littéraires par un portrait de Sully Prudhomme. Il y raconte leur première rencontre.

1930

Régnier publie enfin sa préface aux Fleurs du mal dans l’édition de la Renaissance du livre et, en novembre, sous le titre Le Voyage d’amour ou l’Initiation vénitienne, trois longues nouvelles prépubliées en revue ou déjà éditées en plaquette entre 1925 et 1929, auxquelles il joint un bref dialogue, « Entre elles ». Il poursuit aussi la réédition illustrée de ses romans

« costumés ». Sa collaboration à la presse reste ciblée : au Figaro, sept « Billets de minuit » et, aux Nouvelles littéraires, neuf nouveaux « Faces et Profils ». Quant aux Cahiers, ils semblent s’installer dans la discontinuité. L’année 1930 est aussi celle des voyages en Espagne, rêvés au moins depuis ses séjours dans le Béarn et enfin réalisés.

Janvier - février : Régnier commence à travailler aux Escales en Méditerranée, puis il corrige les épreuves des Poésies de Gérard d’Houville qui paraissent aux éditions Le Livre, illustrées par Alfred Latour, puis, en 1931, chez Grasset.

16 mars – 15 avril : Premier voyage en Espagne. Régnier, accompagné d’Anne Bougenaux, visite Madrid, Tolède, Avila, Alcala de Henares, l’Escurial, Burgos et séjourne à Séville. Il passe ensuite quatre jours à Salies-de-Béarn et six à Arcachon avant de regagner Paris.

22 mai : André Chaumeix est élu à l’Académie française au fauteuil de Clemenceau.

29 août : Régnier commence à écrire les Lettres diverses et curieuses, qu’il n’achèvera que le 9 février 1932.

25 septembre – 13 octobre : Séjour à Ax-les-Thermes pour une cure.

13 octobre – 13 ou 14 novembre : Second voyage en Espagne. Régnier, toujours accompagné d’Anne Bougenaux, visite la Catalogne et se rend à Barcelone, Saragosse, Tarragone et Gérone avec un détour par Majorque. Au retour, ils passent par Perpignan, Narbonne, Carcassonne et Toulouse avant de regagner Paris.

10 décembre : Mort à Paris de Louise de Heredia.

1931

Après ses mémoires de la vie vénitienne en 1928, Régnier publie un second livre de voyages, Escales en Méditerranée, consacré à ses croisières de 1904 et 1906. Ses autres ouvrages de l’année sont des regroupements de textes : le septième tome de ses Œuvres, qui joint à Flamma Tenax quelques poèmes publiés depuis 1928, et deux volumes de « Faces et Profils », le premier réunissant sous ce titre quatre essais, le second, Nos rencontres, recueillant parmi ses dix-huit portraits quelques textes plus anciens. Les Nouvelles littéraires poursuivent du reste la série en prévision d’un prochain volume et, au Figaro, le « Billet de minuit » laisse la place en juillet à « L’Heure qui passe » pour dire l’humeur de Régnier prenant prétexte de l’actualité pour livrer ses réflexions ou ses émotions. Il continue aussi d’écrire les Lettres diverses et curieuses. Les Cahiers, en revanche, tendent à s’installer dans une nouvelle période de jachère, à moins que l’occasion d’un souvenir ou d’un voyage leur rende leur utilité.

Février : Régnier songe à mettre en forme ses notes sur l’Espagne.

Été : Régnier, comme c’est souvent le cas, reste seul à Paris, tandis que Marie est à Arcachon.

8 septembre : Régnier est avec Pierre Brisson le témoin de mariage de Paul Brach (1893- 1939) qui épouse Lillian Roditi à l’église réformée de l’Étoile.

28 septembre – 13 novembre : Nouvelle cure à Ax-les-Thermes. Régnier se rend ensuite à Dijon en passant par Toulouse et la Provence (Marseille, Arles, Aix, Avignon). Ce voyage de retour est décrit en détail dans les Cahiers.

1932

Régnier ne publie aucun livre nouveau, mais réunit au Mercure un important Choix de poèmes, avec une préface et une bibliographie, qui peut apparaître comme un ouvrage testamentaire. De même, la poursuite des « Faces et Profils » des Nouvelles littéraires comporte à l’évidence une vocation mémorielle. En revanche, il est toujours aussi peu assidu à ses Cahiers.

22 janvier : Régnier est victime d’un malaise à l’Académie. 15 mars : Mort de Georges Barbier.

21 mai : Mort de Marcel Boulenger.

Été : Fin juillet, Régnier dîne avec Paul Morand chez Larue. Mais il passe à nouveau un mois d’août solitaire à Paris. Période d’une abondante correspondance avec Anne Bougenaux.

1er septembre – 1er octobre : Publication en trois livraisons dans La Revue de Paris des Lettres diverses et curieuses écrites par plusieurs à l’un d’entre eux, qui ressuscitent le personnage de Tiburce, né dans La Revue blanche en 1897. C’est une variation fictionnelle sur les sept péchés capitaux.

Septembre : Régnier retrouve Anne à Ax-les-Thermes. Il est probable qu’elle l’accompagne à nouveau en Espagne, mais Régnier crée le doute en rédigeant toutes ses notes à la première personne du singulier.

27 septembre – 10 novembre : Troisième voyage en Espagne. Régnier revoit Barcelone et Madrid et visite Valence et l’Andalousie (Cordoue, Grenade).

24 novembre : Régnier reçoit Pierre Benoit à l’Académie française.

4 décembre : Régnier inaugure une série de dix-huit articles en premier-Paris du Figaro, dont le dernier paraît le 13 août 1934.

1933

En mars, Régnier publie Lettres diverses et curieuses, un ouvrage au genre indéfinissable, que sa forme épistolaire et ses personnages fictionnels aux points de vue différents suffisent à peine à rapprocher du roman. En novembre, ce sont à nouveau deux recueils. Le premier, en prose, réunit, sous le titre De mon temps, les plus récents « Faces et Profils » auxquels il joint quelques billets du Figaro et des souvenirs de son histoire familiale. Le second, en vers, Airs pour l’Écho (Chamontin), compile trente-neuf de ses odelettes sous le signe de Théodore de Banville. Dans ses premiers-Paris du Figaro, publiés à un rythme mensuel, il évoque des souvenirs de jeunesse et de voyage et exprime une inquiétude grandissante devant les menaces qu’engendre l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Les Cahiers s’ouvrent de plus en plus aux souvenirs anciens.

Février : Régnier souffre d’une bronchite qui le contraint à rester alité dix jours.

6 avril 1933 : Régnier est avec Abel Hermant (1862-1950) le témoin de mariage de Jacques de Lacretelle (1888-1985) avec Yolande Jacobé de Naurois à l’église Saint-Philippe de Roule.

30 avril : Mort d’Anna de Noailles à qui Régnier consacre un premier-Paris du Figaro (5 mai), comme, trente-deux ans plus tôt, il avait célébré son premier livre dans Le Gaulois.

27 septembre – 10 novembre : Nouveau séjour à Ax-les-Thermes. Sa cure est troublée par une forte grippe. Sur la route du retour à Paris, il s’arrête à Toulouse à qui il trouve « je ne sais quoi de romain », puis à Limoges qui lui rappelle Antoinette, son grand amour de jeunesse.

1er novembre : Régnier publie le premier article consacré à ses voyages en Espagne dans la

Revue des Deux Mondes.

1934

Régnier ne publie aucun livre et délaisse souvent ses Cahiers, mais il reste assidu au Figaro et aux Nouvelles littéraires. Il donne aussi à la Revue des Deux Mondes des poèmes et la suite de ses souvenirs d’Espagne. La grande affaire de l’année est la rédaction de son dernier roman, Moi, Elle et Lui, qu’il achève le 6 décembre.

Janvier : Régnier passe quelques jours dans sa famille paternelle, à La Lobbe, qu’il ne semble pas avoir revue depuis longtemps.

21 février : Jaloux transmet à Régnier l’invitation des laboratoires Beytout à rédiger un article de 168 lignes dactylographiées sur le troisième centenaire de l’Académie. Il accepte.

Mars - avril : Poussé par ses amis Photiadès et Morand, Régnier songe à un livre sur Mallarmé qui s’intitulerait L’Ami et le Maître. Mais le projet n’aboutit pas, malgré un contrat intéressant négocié par Paul Morand avec Grasset.

3 juin : Régnier prononce un discours à l’occasion de la pose d’une plaque de marbre à la mémoire de Leconte de Lisle sur la façade du 64 boulevard Saint-Michel.

10-31 août : Cure à Saint-Christau.

1er septembre – 10 octobre : Nouveau séjour à Ax-les-Thermes avec Anne Bougenaux. Régnier y retrouve Marcel Prévost (1862-1941) et Abel Bonnard, ses collègues à l’Académie. Il rentre à Paris par Toulouse et Albi. Cette dernière ville l’enchante au point qu’il lui consacre un article dans La Revue de France.

1935

Régnier connaît de fréquents soucis de santé, principalement cardiaques et respiratoires : en février une pharyngite accompagnée de fièvre, en avril une crise d’asthme cardiaque et un œdème à la jambe et à la cuisse gauches, l’été une fatigue cardiaque qui exige un repos absolu. Il publie en novembre son quinzième et dernier roman, Moi, Elle et Lui, l’histoire d’un père et de son fils amoureux de la même femme.

Été : Prépublication de Moi, Elle et Lui en livraisons dans La Revue de France. Juillet : Régnier reste à Paris et voit souvent Anne.

26 juillet : Régnier élevé au grade de grand-officier de la Légion d’Honneur (Promotion du tricentenaire de l’Académie française et du Muséum d’histoire naturelle) : « Qu’est-ce que cela peut bien me faire ? »

2 août – 17 septembre : Séjour à Vevey, au Park Hôtel, puis à Ouchy, près de Lausanne, avec Marie et Hélène. Il y rencontre Jaloux, qui vit en Suisse une partie de l’année depuis 1924, mais aussi Photiadès, Mockel et Bergson. Une promenade sur le lac Léman lui rappelle son séjour à Clarens en 1889 chez les Metman.

13 août – 15 novembre : En Suisse, puis à Paris, Régnier travaille à Madame Récamier, son dernier livre anthume, que lui a commandé Albin Michel.

19 septembre : Mort à Vevey de Jules Cambon (1845-1935), ambassadeur de France aux États-Unis au moment du voyage de Régnier.

20 septembre : Mort à Paris d’Alfred Vallette. Duhamel lui succède à la tête du Mercure.

1er octobre : Régnier publie dans la Revue des Deux Mondes le dernier article consacré à ses voyages en Espagne.

5 octobre : Inauguration d’une plaque commémorative de la mort de Heredia sur la façade du château de Bourdonné à l’initiative de l’Académie de Versailles. Henri assiste à la cérémonie avec Marie et Hélène, les filles du poète, mais c’est Gabriel Hanotaux qui prononce le discours au nom de l’Académie française.

25 décembre : Mort à Paris de Paul Bourget.

1936

La Bibliothèque nationale organise, à partir de juin, une exposition pour le cinquantenaire du Symbolisme. Régnier prête livres et manuscrits, mais il n’aura pas le temps de la voir. Il souffre de troubles cardiaques de plus en plus pénibles, qui l’épuisent et le contraignent à s’aliter de plus en plus longuement.

18 janvier : La « Société de Poésie » organise un gala en l’honneur de Régnier, salle Chopin, 8 rue Daru, sous la présidence d’Abel Bonnard. La présentation est prononcée par Robert Honnert (1901-1939) et des poèmes sont dits par Blanche Albane et Marguerite Jules-Martin.

15 mars : Publication de son dernier livre, Madame Récamier (Albin Michel).

13 mai : Vaudoyer, venu le voir, entend Régnier lui dire : « Et surtout, Jean-Louis, après moi, pas de Société d’Amis ».

23 avril : Henri s’alite définitivement. Il ne peut pour ainsi dire plus écrire et c’est sans doute Marie qui rédige ses derniers feuilletons.

23 mai : Henri meurt chez lui, 24 rue Boissière, à 8h 30. Ses obsèques sont célébrées le 25 à l’église Saint-Pierre de Chaillot. Il est inhumé au Père-Lachaise (Division 86, Ligne 7/85, Tombe 37/81).

3 juillet : Edmond Jaloux est élu à l’Académie française au fauteuil de Paul Bourget. Jean- Louis Vaudoyer lui succède au fauteuil 33 le 12 janvier 1950.

1937

Juin : Publication chez Maurice d’Hartoy du Paradis retrouvé, recueil de huit contes, dont seul le texte titre est inédit en librairie, les autres ayant paru en 1926 dans Contes pour chacun de nous.

12 novembre : Mort à Bergerac de Francis Vielé-Griffin.

1939

8 décembre : Mort à Paris d’Augusto Gilbert-de-Voisins.

1943

1er décembre : Mort à Paris de Tigre, usé par les excès, à 45 ans.

1945

12 avril : Émile Henriot est élu à l’Académie française au fauteuil de Marcel Prévost.

1949

15 août : Mort à Lutry (canton de Vaud) d’Edmond Jaloux.

1953

22 janvier : Mort à Paris d’Hélène de Heredia.

1963

6 février : Mort de Marie à l’hôpital Foch de Suresnes, où elle avait été admise à la suite d’un accident domestique survenu le 28 janvier. Elle est inhumée au Père-Lachaise auprès de Tigre (Division 94, Ligne 16/77, Tombe 10/97).

20 mai : Mort à Paris de Jean-Louis Vaudoyer.

1966

17 octobre : Mort d’Isabelle de Régnier.

1986

La fin de l’embargo de cinquante ans voulu par Régnier avant d’autoriser la consultation de ses manuscrits et de ses archives permet la publication de sa correspondance avec Gide en 1997, puis celle de ses Cahiers qui, au terme d’une genèse éditoriale longue et complexe, paraissent enfin en 2002.

2014

4 décembre : Création de la Société des lecteurs d’Henri de Régnier. L’association, chargée de défendre la mémoire et l’œuvre d’Henri de Régnier, d’étudier et de réaliser tout ce qui, sous toutes formes et par tous moyens, pourra favoriser la diffusion de l’œuvre d’Henri de Régnier et les échanges culturels internationaux, est déclarée à la Préfecture de Police du département de Paris sous le n° W751227315 (Annexe au Journal Officiel du 27 décembre 2014).