02Au vieux rêve métaphysique du philosophe de savoir ce qu’est la Vie 
03il en avait substitué un autre, un simple désir de psychologue 
04savoir ce qu’il était, lui, dans la vie, définir l’essence de son être intime 
05et pour cela il aurait voulu se rendre compte de l’effet vrai produit sur lui
06par les choses. Déjà  il s’était fait une vague notion générale de ce qu’il
07était. Il se savait faible plus tôt, irrémédiablement découragé
08et crédule en somme – d’une naïveté particulière – naïveté d’un moment
09corrigée et démentie par l’examen plus sceptique du moment d’après – 
10assez incapable  affranchi de la haine même par son indifférence 
11assez mobile  passant d’un abattement morne et passif à un espoir
12factice dont il se démontrait bien vite l’inanité et l’enfantillage 
13en somme résigné – par persuasion de l’inutilité de toute révolte – prompt
14aux pardons irréfléchis, en tout un ami des demi teintes des nuances 
15qui passait dans la vie les yeux clignés sur de violets et doux paysages
16imaginaires, où s’ouvrait tout à coup des landes de soleil cru, de lumières
17étincelantes, des pierreries de fleurs, des éclairs de métaux – dernier silence
18de rêve, reste des brutales colères de l’enfant qu’il n’était plus.

19Jamais un homme – et combien plus une femme – ne pardonne à un
20autre, d’avoir mis le doigt  à travers les détours dont il l’enveloppe 
21sur une de ces roueries d’âme, ou de ne s’être pas laissé duper
22par une de ces lâchetés de conscience 

23De sorte que si un poète faisait un pamplet si prodigieux