ENCHRE - Cahier cahier IV

CAHIER IV - page 21

Texte incertain

Texte fautif

Termes repérés

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les poètes et lui même avaient chanté et pleuré, et qui n’était
03autre chose qu’une lâche paresse de la mémoire. Du moment en
04effet que nous vivons dans la durée nous sommes éternellement
05les contemporains de cette durée et cela tant que nous existerons – Après ?..

06Les économistes n'ont-ils pas dit que la Société reposait sur l’échange ?
07Pourquoi pas aussi l’amitié qui n’est autre qu’un échange de bons
08procédés..

09Aux indépendants : m’intéresse seul vraiment Seurat avec ses marines.
11et son procédé pointillé s’applique merveilleusement aux grèves.
12Signacⁱ m’embête. De Dubois-Pilletⁱ j’ai vu mieux
13Odilon Redonⁱ !– une araignée à tête humaine : une pauvre figure de Cafre au nez
14camard, aux bons yeux qui pleurent, sous des cheveu crépus, et comme il est
15triste ce pauvre chef monté sur pattes.

16 Une tête chauve : un crâne à marée basse.

17Une phrase de Ropsⁱ relevée dans une lettre à Haraucourtⁱ :

18 Alors nos bustes gémoniseront, et le vent emportera vers les forêts nos cendres
19qui y feront pousser l’Orchis Satyrion dont rougiront les pubertés
20Et ce cera une dernière gloire

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les poètes et lui-même avaient chantée et pleurée, et qui n’était autre chose qu’une lâche paresse de la mémoire. Du moment, en effet, que nous vivons dans la durée nous sommes éternellement les contemporains de cette durée et cela tant que nous existerons. – Après ?…

Les économistes n'ont-ils pas dit que la société reposait sur l’échange ? Pourquoi pas aussi l’amitié qui n’est autre qu’un échange de bons procédés… ?

Aux Indépendants : m’intéresse seul vraiment Seurat avec ses marines. Et son procédé pointillé s’applique merveilleusement aux grèves. Signacⁱ m’embête. De Dubois-Pilletⁱ j’ai vu mieux. Odilon Redonⁱ ! Une araignée à tête humaine : une pauvre figure de Cafre au nez camard, aux bons yeux qui pleurent, sous des cheveux crépus, et comme il est triste ce pauvre chef monté sur pattes.

Une tête chauve : un crâne à marée basse.

Une phrase de Ropsⁱ relevée dans une lettre à Haraucourtⁱ :

"Alors nos bustes gémoniseront, et le vent emportera vers les forêts nos cendres qui y feront pousser l’Orchis Satyrion dont rougiront les pubertés. Et ce sera une dernière gloire."

115: Cynisme. Par cette formule de désabusement chère aux moralistes du Grand Siècle – "[X] n’est que" –, Régnier, qui n’a que 23 ans, adopte et peut-être surjoue la posture d’un moraliste cynique, surtout pour quelqu’un qui n’est pas dépourvu d’amis. Rien de bien neuf dans la maxime, si ce n’est la volonté de la fonder, non sur la nature humaine, mais sur les principes de l’économie. [BR]
116: Georges Seurat (Paris 1859- 1891). Notice du Dictionnaire de la peinture
Il expose au Salon des Indépendants qui se déroule du 23 mars au 3 mai 1887 plusieurs œuvres : Le phare d’Honfleur (qui appartient à Émile Verhaeren), La grève du Bas-Butin (Honfleur) (qui appartient à M. van Cutsem), Embouchure de la Seine (Honfleur), Le pont de Courbevoie (qui appartient à Arsène Alexandre), L’entrée du port d’Honfleur (qui appartient à Félix Fénéon), La Maria (Honfleur), Bout de la jetée d’Honfleur, Poseuse, douze croquis, Au Concert d'Eden. Parmi les autres exposants on trouve Dubois-Pillet, Angrand, Gausson, Luce, Lucien Pissarro, Redon, Rousseau et Signac. Peut-être Henri de Régnier a-t-il connu Seurat en 1885 chez Signac (Charles Angrand raconte que le peintre se rendait "régulièrement" au 20 bd de Clichy "avec Paul Adam, Dubois-Pillet, Henri de Régnier" – cf. Gustave Coquiot, Seurat, Paris, A. Michel, 1924, p. 39) ou aux "lundis" de Robert de Caze [AA. VV. Seurat, catalogue de l’exposition, Paris, RMN, 1991, p. 34]. De plus, de 1886 jusqu’en janvier 1888, Seurat et d’autres peintres se retrouvent au Café d’Orient dans la rue de Clichy, où Régnier et Vielé-Griffin "faisaient parfois leur apparition" [E. Raynaud, En marge de la mêlée symboliste, Paris, Mercure de France, 1936, p. 21]. Régnier visitera aussi la V^ème exposition des Indépendants en 1889, ainsi que Camille Pissarro le raconte à son fils Lucien [Camille Pissarro, Correspondance, t. II, 1886-1890, éd. établie par J. Bailly-Herzberg, Éd. du Valhermeil, 1986, p. 292-293 – lettre du 9 septembre 1889]. Il verra Seurat pour la dernière fois le 2 février 1891 à l’occasion du banquet offert à Jean Moréas : peu de temps après (le 29 mars) le peintre mourra d’une angine infectieuse. Au printemps 1918 Félix Fénéon, directeur artistique de la galerie Bernheim-Jeune, lui commande des vers sur une série de peintres pour deux volumes de luxe [L’Art moderne et quelques aspects de l’art d’autrefois. Cent-soixante-treize planches d'après la collection privée de MM. J. et G. Bernheim-Jeune / Poèmes de Henri de Régnier, 2 vol., Paris, Bernheim jeune éd., 1919], en recommandant à ses "soins lyriques" surtout Seurat, car "nul plus que lui ne mérite, je crois, d’être célébré par vous, et vous connaissez bien son œuvre." [Bibliothèque de l’Institut de France, MS 6388, f. 68, cité par P. Besnier, Henri de Régnier. De Mallarmé à l’art déco, Paris, Fayard, 2015, p. 352]. Ces poèmes seront recueillis par la suite dans Vestigia flammae (1921). [SR]
117: Trait d’esprit en forme de métaphore. Il y a là un trait d’esprit qui repose sur une image saisissante, à quoi il faut ajouter l’humour de la formule : Régnier, à la calvitie très précoce, ne peut pas ne pas se considérer lui-même. [BV]
118: Les orchidées doivent leur nom (du lat. orchis, "testicule") à la forme de leurs bulbes souterrains, similitude particulèrement marquée dans le cas de l'orchis mâle ou Satyrion. [BR]