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n’avait jamais ressentie même devant l’incomparable magnificence
03de la mer.
04C’était dès ses premières siestes au bord de l’eau que ce sentiment avait point
05en lui et s’était affirmé en les heures passées là –
un grand parasol
06fiché dans le sable, l’abritait de son ombre variable– l’eau coulait avec
07un murmure, ensoleillée, miroitante, assombrie au passage d’une nuée,
08à certains endroits peu profonds, on voyait un lit de cailloux lavé du
09courant incessant, et la mince nappe d’onde était écorchée çà et
là
10d’une pierre dominante, plus loin c’étaient des bleuissement d'altitude,
11des îles de sable à fleur d’eau amincies perpétuellement, surgissant
12humides et infiltrées, au bord, le sable miné s’écroulait, tout blond, tout
13chaud, et semblait se dissoudre dans l’eau, où trempaient les racines
14dénudées des osiers, et tout là bas, au milieu du fleuve, pour en marquer
15la passe, se dressait un long bâton, une branche de saule, portant au
16sommet une touffe
de feuilles qui tremblaient.
17L’autre rive émergeait de l’eau en pente douce, d’abord sables piqués de
18fleurs, pui herbes rares et ligne de forêt découpée toute bleu et or sur le ciel
19montant droit et pur, et alors, pour cette autre rive, dont il était séparé
20une curiosité l’avait pris, comme celle qu’il aurait éprouvé pour
21une terre inconnue, un pays heureux d’où l’aurait banni une
22fatalité infrangible. De longues heures il rêvait à ce qu’il pouvait
23y avoir là bas, oublieux de ce qu’il savait, oubli de la fatale uniformité
24de tout, et sans aucune imagination précise, il ressentait à ce
25décor un charme de regret indicible, dont il jouissait. Des noms
26de villages là-bas, qu’il avait entendu dire lui revenaient
20
n’avait jamais ressentie, même devant l’incomparable magnificence de la mer.
C’était dès ses premières siestes au bord de l’eau que ce sentiment avait point en lui et s’était affirmé en les heures passées là. Un grand parasol, fiché dans le sable, l’abritait de son ombre variable ; l’eau coulait avec un murmure, ensoleillée, miroitante, assombrie au passage d’une nuée ; à certains endroits peu profonds, on voyait un lit de cailloux lavé du courant incessant, et la mince nappe d’onde était écorchée çà et là d’une pierre dominante ; plus loin c’étaient des bleuissements d'altitude, des îles de sable à fleur d’eau amincies perpétuellement, surgissant humides et infiltrées ; au bord, le sable miné s’écroulait, tout blond, tout chaud, et semblait se dissoudre dans l’eau, où trempaient les racines dénudées des osiers, et tout là-bas, au milieu du fleuve, pour en marquer la passe, se dressait un long bâton, une branche de saule, portant au sommet une touffe de feuilles qui tremblaient.
L’autre rive émergeait de l’eau en pente douce, d’abord sables piqués de fleurs, puis herbes rares et ligne de forêt découpée toute bleu et or sur le ciel montant droit et pur ; et alors, pour cette autre rive, dont il était séparé, une curiosité l’avait pris, comme celle qu’il aurait éprouvée pour une terre inconnue, un pays heureux d’où l’aurait banni une fatalité infrangible. De longues heures, il rêvait à ce qu’il pouvait y avoir là-bas, oublieux de ce qu’il savait, oublieux de la fatale uniformité de tout, et sans aucune imagination précise, il ressentait à ce décor un charme de regret indicible, dont il jouissait. Des noms de villages là-bas, qu’il avait entendu dire, lui revenaient
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n’avait jamais ressentie même devant l’incomparable magnificence
03de la mer.
04C’était dès ses premières siestes au bord de l’eau que ce sentiment avait point
05en lui et s’était affirmé en les heures passées là –
un grand parasol
06fiché dans le sable, l’abritait de son ombre variable– l’eau coulait avec
07un murmure, ensoleillée, miroitante, assombrie au passage d’une nuée,
08à certains endroits peu profonds, on voyait un lit de cailloux lavé du
09courant incessant, et la mince nappe d’onde était écorchée çà et
là
10d’une pierre dominante, plus loin c’étaient des bleuissement d'altitude,
11des îles de sable à fleur d’eau amincies perpétuellement, surgissant
12humides et infiltrées, au bord, le sable miné s’écroulait, tout blond, tout
13chaud, et semblait se dissoudre dans l’eau, où trempaient les racines
14dénudées des osiers, et tout là bas, au milieu du fleuve, pour en marquer
15la passe, se dressait un long bâton, une branche de saule, portant au
16sommet une touffe
de feuilles qui tremblaient.
17L’autre rive émergeait de l’eau en pente douce, d’abord sables piqués de
18fleurs, pui herbes rares et ligne de forêt découpée toute bleu et or sur le ciel
19montant droit et pur, et alors, pour cette autre rive, dont il était séparé
20une curiosité l’avait pris, comme celle qu’il aurait éprouvé pour
21une terre inconnue, un pays heureux d’où l’aurait banni une
22fatalité infrangible. De longues heures il rêvait à ce qu’il pouvait
23y avoir là bas, oublieux de ce qu’il savait, oubli de la fatale uniformité
24de tout, et sans aucune imagination précise, il ressentait à ce
25décor un charme de regret indicible, dont il jouissait. Des noms
26de villages là-bas, qu’il avait entendu dire lui revenaient
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n’avait jamais ressentie, même devant l’incomparable magnificence de la mer.
C’était dès ses premières siestes au bord de l’eau que ce sentiment avait point en lui et s’était affirmé en les heures passées là. Un grand parasol, fiché dans le sable, l’abritait de son ombre variable ; l’eau coulait avec un murmure, ensoleillée, miroitante, assombrie au passage d’une nuée ; à certains endroits peu profonds, on voyait un lit de cailloux lavé du courant incessant, et la mince nappe d’onde était écorchée çà et là d’une pierre dominante ; plus loin c’étaient des bleuissements d'altitude, des îles de sable à fleur d’eau amincies perpétuellement, surgissant humides et infiltrées ; au bord, le sable miné s’écroulait, tout blond, tout chaud, et semblait se dissoudre dans l’eau, où trempaient les racines dénudées des osiers, et tout là-bas, au milieu du fleuve, pour en marquer la passe, se dressait un long bâton, une branche de saule, portant au sommet une touffe de feuilles qui tremblaient.
L’autre rive émergeait de l’eau en pente douce, d’abord sables piqués de fleurs, puis herbes rares et ligne de forêt découpée toute bleu et or sur le ciel montant droit et pur ; et alors, pour cette autre rive, dont il était séparé, une curiosité l’avait pris, comme celle qu’il aurait éprouvée pour une terre inconnue, un pays heureux d’où l’aurait banni une fatalité infrangible. De longues heures, il rêvait à ce qu’il pouvait y avoir là-bas, oublieux de ce qu’il savait, oublieux de la fatale uniformité de tout, et sans aucune imagination précise, il ressentait à ce décor un charme de regret indicible, dont il jouissait. Des noms de villages là-bas, qu’il avait entendu dire, lui revenaient